Voici le chapitre 19. C'est le chapitre le plus long de la fiction. Il y a pas mal d'actions. J'espère que ça va vous plaire. Bonne lecture !
Chapitre XIX :
Les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur portable, Paul consulta des sites d'informations sur internet à cette fin de matinée quand subitement il fut dérangé par la sonnerie du téléphone fixe. Il déposa l'ordinateur qui était sur ses genoux auprès de la table basse, se leva puis se dirigea pressement vers le combiné avant de décrocher sur une voix féminine.
« Allô Paul ? »
Il avait l'impression de connaître cette voix mais aucun nom ne lui vint à l'esprit. Il fronça doucement les sourcils avant de lui répondre un « oui » clair dans le combiné.
« C'est Aurore. »
Un bon féroce se fit sentir dans sa cage thoracique. Le jeune homme avait eu l'impression que son cœur allait sortir de son corps en réalisant qui était au bout du fil tandis qu'un petit sourire joyeux se faufila sur ses lèvres.
« Au- Aurore, c'est toi ? »
C'était quoi cette question stupide qu'il venait de demander ? Bien sûr que c'était elle, puisqu'elle venait de lui dire... Il passa sa main sur son visage tout en se traitant d'idiot. Et puis pourquoi il bégayait comme cela ? Il entendit un petit rire résonné dans le téléphone, le faisant rougir doucement.
« Tu vas bien ? »
Le jeune homme passa sa main nerveusement dans ses cheveux en comprenant qu'il avait dit la même chose qu'Aurore et en même temps. Il entendit de nouveau un petit rire, cette fois-ci qui traduisait la gêne, alors qu'il ne savait pas s'il devait répondre d'abord à la question.
« Oui, je vais bien, et toi ? »
C'était finalement l'interlocutrice qui répondait la première. Paul lui répondit que lui aussi allait bien avant de lui demander comment se passait sa grossesse. Cela faisait pratiquement deux semaines qu'ils ne s'étaient pas revu et il ne savait toujours pas de combien de mois exactement Aurore était enceinte.
« Oh, ma grossesse se passe très bien. J'ai fait les prises de sang récemment pour savoir de combien de semaines j'étais. Là, je vais entamer ma dixième semaine. »
Le jeune homme écarquilla ses yeux, surpris. Elle était déjà enceinte de deux mois et demi. Que cela passait vite !
« Déjà ! Et les vomissements ça s'est calmés ? » S'inquiéta-t-il
Il était témoin d’innombrables scènes où la jeune femme se sentait mal et avait vu pas mal d'aller-retour d'Aurore entre les toilettes et la chambre où elle dormait.
« Un peu. Enfin il y a certaines périodes où tout va bien. »
Un silence plana étrangement après cette réponse, laissant le jeune homme se perdre dans ses pensées. Depuis qu'elle était partie, il ne cessait de penser à elle. Avant de dormir il était obligé de songer à elle, à se demander ce qu'elle pouvait faire, si elle revoyait des amis qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps, si elle allait bien tout simplement...
Il entendit un petit raclement de gorge de la part de la jeune femme avant d'entendre sa petite voix retentir dans le combiné dans une tonalité aiguë.
« Tu as quelque chose de prévu cet après-midi ? »
Était-elle en train de sous-entendre qu'elle voulait lui proposer à sortir ? À se revoir ? Il sentit ses mains devenir moites et lui répondit un « non » bref tout en essayant de calmer les pulsations rapides de son cœur.
« Ça te dit on se retrouve quelque part et qu'on mange un morceau ensemble, un café ou quelque chose comme cela? »
« Ouais, bien sûr. »
Il se sentait con. Con d'être aussi joyeux pour une invitation si simple. Mais il était content, et il avait beau se sentit bête, il était enchanté par cette drôle de sensation qu'il ressentait actuellement qui était la joie. Le café, il s'en fichait pas mal, le plus important c'était de la revoir, elle.
« Ah génial ! Vers quatorze heures ça te vas ? »
« Oui. On se rejoint où ? »
« Hum... Au manège. Enfin tu connais le manège ? »
Durant quelques secondes il réfléchit et sourit en se rappelant où se trouvait le manège que la jeune femme parlait.
« Oui. » Répondit avant de froncer les sourcils tout en continuant « Cela ne fait pas loin de chez toi ? »
« Oh ne t'en fait pas, je connais des raccourcis. »
« Ah d'accord. »
N'osant pas lui proposer de venir la chercher, il mordilla sa lèvre inférieure dans un petit tic qu'il lui revenait lors des moments de stress ou de ressentis de sensations inhabituelles tels qu'il éprouvait à cet instant-même.
« Bien, alors à tout à l'heure Paul. »
Le jeune homme pouvait discerner dans sa voix qu'elle était contente de le revoir bientôt, le faisant dessiner doucement un petit sourire franc sur ses lèvres avant de lui répondre un « Oui, à tout à l'heure » et de raccrocher promptement.
Il soupira d'aise, un grand sourire aux lèvres avant de percuter qu'il était en jogging. Étant en week-end et n'ayant pas prévu de sortir, le jeune homme s'était habillé d'une tenue décontractée. Il partit en courant à l'étage où il chercha d'autres vêtements dans les tiroirs de sa commode, mais qu'est-ce qu'il va mettre ?! Il remercia dans un soupir son frère – qui était partie chez sa copine- d'avoir eu fait la lessive deux jours auparavant. Le jeune homme commença à disperser ses affaires sur la commode, ne savant pas trop quoi mettre pour sortir. Il se sentait ridicule de se focaliser sur les détails tels que la tenue qui devait mettre pour une simple sortie entre amis. Il eut un petit pincement lorsqu'il réalisa qu'ils n'étaient rien plus que des amis. Pas qu'il n'aimait pas rester un simple compagnon amicale pour la jeune femme mais il aurait bien voulu il croire à une possibilité de relation plus poussée avec elle. Paul avait peur que ses sentiments envers son amie puissent détruire le lien qu'il avait avec elle. Il décida de prendre un jean noir avec un pull fin beige avant de remettre le reste des vêtements sortis dans le meuble. Le mieux, pensa-t-il, était de faire comme d'habitude et d'essayer de ne montrer aucun signe qui pourrait prouver à la jeune femme qu'il était amoureux de cette dernière. Il ferma le premier tiroir dans un petit bruit grave, tout en lâchant un petit soupir alors qu'il décida de déposer sa tenue sur le lit en se disant que c'était préférable de préparer d'abord son repas.
OOOOO
Sous les rayons faibles du soleil de ce début d'Automne, le jeune homme serra son blouson face au vent tiède qui venait de souffler doucement puis jeta un œil sur son mobile ; il était quatorze heures moins cinq. Il regarda les environs et ne vit pas la silhouette de la jeune femme dans la petite foule de passants, supposant qu'elle n'était pas encore là. Cela faisait à peine cinq minutes qu'il était arrivé au point de rendez-vous et il attendait avec impatience Aurore qui devait arriver d'une minute à l'autre. Il regarda les enfants s'installer dans le grand manège munis de chevaux de toutes les couleurs avant d'apercevoir derrière l’attroupement de gamins la fameuse femme descendre d'un véhicule gris métallique. Il accéléra soudain le pas vers elle, ne prenant pas garde aux autres passants et touristes qu'il pouvait bousculer alors que le regard d'Aurore croisa le sien faisant sourire le jeune homme.
« Salut Paul ! »
Le jeune homme la salua à son tour tout en arrivant à la hauteur de la jeune femme avant de comprendre qu'elle lui fit une bise sur la même joue que la dernière fois faisant de nouveau ressentir plus fort ses sentiments qu'il avait envers Aurore. Essayant de ne pas montrer son trouble, Paul lui fit remarquer qu'elle était finalement venue en voiture.
« Oui. Ma mère a insisté pour m'accompagner. » Répondit-elle avant de poursuivre dans un petit rire « C'est qu'elle est constamment inquiète, alors que je n'arrête pas de lui répéter que je suis juste enceinte et non malade. »
Un petit sourire moqueur se dessina sur les lèvres du jeune homme avant de repenser que sa mère avait de quoi être inquiète pour sa fille. Après tout, personne ne semblait avoir des nouvelles de Ludovic et malgré que cela fasse presque trois semaines qu'ils n'avaient plus entendu parler de lui, cela n'empêchait pas Johanna d'être inquiète à ce sujet-là. Un autre vent tiède filtra les cheveux de la jeune femme faisant poser le regard de Paul plus intensément sur cette dernière. Il la vit resserrer son foulard épais autour de son cou avant d'apercevoir son trench ouvert où il contempla le ventre arrondi.
« Et oui, je commence à devenir une baleine. »
Paul écarquilla ses yeux, mais elle disait n'importe quoi celle-là ! Elle n'allait pas devenir une baleine, et puis quoi, elle sera toujours aussi jolie même avec un ventre arrondi. Il détourna le regard sur le manège où il vit des enfants en éclats de rires alors qu'il se sentit gêner par la pensée qu'il venait de lui traverser.
« Tu exagères ! »
Il reposa son regard sur elle, le vit sourire, sentit une petite pression au niveau de son blouson avant de comprendre qu'elle le tenait par le bras. C'était une manie chez elle de le tenir constamment à son bras, songea Paul ironiquement tout en priant intérieurement que la jeune femme n'avait pas repéré son trouble qu'il venait de se passer : Il s'était raidit comme à chaque fois, lorsqu'elle avait pris son bras. Sans se rendre compte, leurs pas se dirigèrent vers nulle part, sans aucun but précis alors qu'Aurore lui raconta que quand elle était petite, sa mère l'emmenait tous les mercredis dans ce lieu pour faire un tour de manège.
Ils marchèrent d'un pas tranquille sur les pavés du vieux quartier commercial où ils observèrent les différentes boutiques et les divers restaurants. Après avoir hésité longuement sur l'endroit où ils voulaient prendre leur goûter improvisé, ils rentrèrent dans un petit restaurant d'un air authentique, dans une ambiance calme. Le gérant du restaurant leur présenta une table dans un petit coin au fond de la salle puis leur présenta la carte. Après avoir remercié le professionnel, ils retirèrent leurs manteaux, prirent place puis consultèrent la carte aux pages des desserts et de boissons chaudes.
« Oh, ils font des crêpes. »
Le jeune homme qui fixait les différentes propositions écrites sur la carte, posa ses orbes noirs sur Aurore, vit qu'elle s'était de nouveau concentrée sur sa lecture dans un petit mordillement de lèvres faisant détourner le regard de Paul sur sa page, embarrassé.
Il fallait qu'il fasse gaffe à ce qu'il observait. Il commençait à trop la regarder, à apercevoir le moindre détail qu'elle faisait...
« Tu vas en prendre une ? »
« Hum... je ne sais pas, j'hésite avec une gaufre. »
Paul regarda sur une autre page les différents desserts proposés et vit qu'il y avait de diverses présentations de gaufres, de crêpes ainsi que de glaces. Quelques instants plus tard, un serveur vint vers eux afin de leur demander s'il avait pris commande.
« Oui. » Répondit la jeune femme avant de continuer « Pour moi ça sera une gaufre au sucre ainsi qu'un café au lait. »
Le serveur, grand et élancé qui ne devait pas dépassé la vingtaine écrit d'un geste rapide sur son petit bloc-notes avec son stylo noir tout en acquiesçant avant de poser le regard sur Paul. Ce dernier lui informa qu'il voulait juste un cappuccino puis donna la carte de menu au jeune blond avant de le voir s'éclipser diligemment vers la cuisine du restaurant.
« Ma mère m'a dit qu'elle avait réussi à te pister vers son ancienne entreprise pour un travail bureautique. »
Le jeune homme acquiesça en lui disant qu'il avait eu de la chance que sa mère lui avait apporté son aide pour sa recherche d'emploi, faisant sourire la jeune femme.
« Mais pour l'instant je suis en essai pendant un mois. » Informa-t-il
« Ah ce n'est pas encore définitif ? »
« Non. Je saurai le mois prochain si je serai embauché. »
Quelques instants plus tard, alors qu'ils avaient dérivé sur un autre sujet de conversation, le fameux serveur les interrompit brièvement en déposant l'assiette de gaufre et les deux boissons chaudes sur la table en bois. Les deux amis lui remercièrent avant de le voir partir vers une autre table, le bloc-notes de nouveau en mains.
Une fumée légère s'évaporait au-dessus des boissons chaudes, faisant afficher un petit sourire sur les lèvres de la jeune femme.
« Mmh... ça sent bon. »
Paul la vit renifler doucement vers son petit plat, les yeux clos, puis découper sa gaufre avec ses doigts fins et de déguster le premier morceau sucré dans un petit gémissement traduisant que la jeune femme aimait beaucoup sa pâtisserie. Le jeune homme souffla doucement sur son cappuccino disparaissant la petite vapeur qui flottait au-dessus de sa tasse puis bu une petite gorgée.
« Ma mère a déjà commencé à acheter des affaires pour le bébé. » Déclara la jeune femme avant de continuer dans un petit sourire « Elle a pris quelques vêtements qui font neutres, comme on ne sait pas si j'aurai une fille ou un garçon. »
Paul sourit doucement derrière sa tasse qu'il venait de mettre à ses lèvres avant de la remettre sur la table carré et de poser ses orbes foncés sur Aurore.
« C'est quand que tu le sauras ? »
Il ne s'était jamais demander à partir de quel mois le gynécologue pouvait prévoir le sexe du bébé. Ayant peur qu'Aurore puisse voir le visage de son ex-fiancé dans un petit garçon, il s'avoua intérieurement qu'il espérait que la jeune femme aurait une fille. Il souffla discrètement, pourquoi devait-il toujours penser à ce bouffon, ragea-t-il silencieusement.
« Je dois attendre encore deux mois, je crois. » Répondit-elle faisant sortir le jeune homme de ses songes.
Paul la vit de nouveau prendre un autre morceau de sa gaufre à moitié finie tandis qu'elle déposa sa petite tasse de café au lait sur la planchette.
« J'ai vraiment hâte de savoir ! » S'exclama-t-elle
Le jeune homme semblait comprendre que la future naissance du bébé permettra à son amie de tourner la page ainsi d'oublier Ludovic et ses coups. Cet enfant fera d'Aurore une personne plus forte, médita-t-il tout en apercevant son regard dans le liquide sombre de sa tasse à moitié rempli. Il mit de nouveau sa tasse à ses lèvres avant de savourer sa grande gorgée, la déposa doucement sur la table tout en prenant la serviette qui s'étalait sur la table en dessous de son bras afin de s'essuyer sa bouche avec.
« T'aurais l'heure s'il te plaît ? »
Le jeune homme baissa son regard vers le poignet d'Aurore où il découvrit deux bracelets fins à l'ancienne place de la grosse montre argentée et supposa qu'elle avait oublié de la mettre, avant de sortir son mobile de sa poche de son blouson.
« Il est quinze heures trente-deux. »
« Je dois être au manège vers dix-huit heures afin que ma mère puisse me ramener. » Informa-t-elle en levant les yeux d'un air exagéré.
D'un sourire moqueur, Paul comprit qu'Aurore était obligée de suivre les recommandations de sa mère pour ne pas l'inquiéter davantage. C'était presque un miracle qu'elle puisse sortir, vu à quel point Johanna pouvait être si protectrice envers sa fille unique.
« Tu veux aller quelque part avant de retourner au manège ? »
Il remarqua que la jeune femme mâchouilla rapidement sa dernière bouchée de sa gaufre afin de répondre à sa question. Elle lui avoua qu'elle aurait bien voulu rentrer chez lui tandis qu'il écarquilla ses yeux un peu gêné, tout en apercevant une légère rougeur aux niveaux des joues d'Aurore.
« Enfin si tu veux. » Essaya-t-elle de se rattraper avant de continuer « L'ambiance qu'il y avait chez ton frère et toi me manque un peu. »
Un petit sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme en entendant les mots prononcés par Aurore. L'ambiance était surtout menée par cette dernière pensa-t-il. Depuis son départ l'atmosphère de la maison avait bien changé, pas que c'était redevenu moins joviale mais c'était plus monotone qu'auparavant.
« Oh crois-moi depuis que tu es partie, ça à bien changé. »
Il fixa son regard au-dessus de l'épaule de la jeune femme en se rendant compte ce qu'il venait de dire. C'était comme un aveu... Un petit silence se fit, rendant une atmosphère un peu embarrassante qui durait quelques minutes avant d'être brisée par la voix d'Aurore.
« Parfois je me demande comment ça serait passé si nous n'étions pas revus. »
Paul ne préférait même pas y songer. Avec tout ce qui s'était passé depuis leur rencontre à l'hôtel Saint Maurès, il avait l'impression que les souvenirs étaient bien loin...
« Peut-être qu'il ne faut simplement pas se poser la question. »
Il revit le visage neutre d'Aurore s'illuminer d'un petit sourire tout en l'entendant lui dire un « tu as raison » avant de la voir mettre sa petite tasse blanche à ses lèvres. Paul dirigea ses orbes noirs vers le fond de la tasse où il venait de prendre sa dernière gorgée, laissant ses pensées vagabonder ailleurs. S'il ne l’avait pas rencontré dans cet hôtel, il n'aurait jamais éprouvé à nouveau les sentiments qu'il avait envers la jeune femme. Dans un petit soupir discret, il prêta attention aux gestes d'Aurore et remarqua qu'il y avait une légère mousse du café au lait qui s'était logée à l’extrémité de sa lèvre inférieure.
«Euh... Tu as un peu de mousse. »
Aurore saisit sa serviette de table, essuya sa bouche en évitant malgré elle la fameuse mousse tout en faisant réagir le jeune homme.
« Un peu plus à droite... »
La jeune femme retenta et suivit l'instruction de son ami et réussit à retirer la crème de moitié.
« Là, c'est bon ? »
« Euh... y en a encore. »
Aurore soupira, faisant comprendre à Paul qu'elle commençait à avoir marre de cette mousse tout en disant qu'elle aurait dû s'acheter un miroir de poche. Le jeune homme sourit doucement à sa remarque avant d'apercevoir la chevelue bleue tendre sa serviette vers lui. Quoi ? Elle voulait qu'il lui retire la mousse de café ? Le jeune homme décida après quelques secondes de méditation, de céder à la demande silencieuse d'Aurore. Il prit la serviette épaisse, avança son bras vers la jeune femme avant de le tendre légèrement tandis qu'Aurore inclina sa tête vers lui. Il appuya une légère pression sur la tâche qui résistait sur la lèvre rose de la jeune femme avant de voir la crème disparaître furtivement sous la serviette.
« Voilà. »
La jeune femme lui remercia tandis qu'il lui rendit la serviette de table. Paul épia un instant les autres tables autour de lui et songea qu'avec le coup de la serviette, les clients devaient croire qu'il formait un couple avec Aurore. Il détourna le regard vers la jeune femme doucement, évitant pudiquement ses yeux étincellent alors qu'il déglutit difficilement. Pendant qu'il enlevait la mousse sur la commissure des lèvres de la jeune femme il avait ressenti le besoin de l'embrasser. Il releva doucement ses orbes noirs sur les lèvres de la jeune femme, ces fameuses lèvres où il avait eu une envie de les toucher. Paul sentit une chaleur l'envahir en songeant qu'il ne l'avait pas senti depuis un petit moment... Quelle étrange sensation il avait lorsqu'il était auprès de la jeune femme...
Il vit sa bouche remuer, n'arrivant pas à se concentrer sur ce qu'elle racontait, encore trop prit par ses pensées. Depuis quand était-il vraiment amoureux d’Aurore ? Depuis sa rencontre ? Peut-être depuis qu'elle s'était installée à la maison ? Ou bien depuis qu'ils étaient partis à l'anniversaire de mariage de ses parents ? Il passa sa main nerveusement dans ses cheveux, ayant marre de toutes ces questions qui trottaient dans sa tête.
« Paul, est-ce que tout va bien ? »
Oui tout va bien, je suis juste amoureux de toi, je viens de t'essuyer la bouche, et j'ai l'impression que mon cœur va imploser, oui, je crois que tout va bien... Il soupira à sa voix intérieure, qui semblait décidé de jouer un ton sarcastique alors qu'il croisa les orbes bleus de la jeune femme.
« Euh...oui, oui. »
Il la vit sourire une nouvelle fois avant de l'entendre lui proposer de quitter le petit restaurant. Il acquiesça avant de demander l'addition au serveur blond. Il aperçut la jeune femme sortir son porte-monnaie, ayant compris qu'elle voulait payer les boissons et sa gaufre.
« Ah non, c'est moi qui paie. »
Paul regretta presque ses paroles en voyant les yeux écarquillés de la jeune femme puis son froncement de sourcils. Elle lui riposta en lui disant que c'était à elle de payer car c'était elle qui lui avait proposé de prendre un morceau ensemble. Le jeune homme soupira, presque vaincu par son argument de choc mais resta fermement sur sa position.
« Et alors, ce n'est pas une raison valable. » Répliqua-t-il piteusement
Alors que la jeune femme ouvrit la bouche pour répondre vivement à Paul, le jeune serveur déposa l'addition sur leur table faisant couper l'élan d'Aurore. Cette dernière profita pour saisir le petit papier où était inscrit le prix avant de donner rapidement un billet au serveur dans un grand sourire victorieux.
« Gardez la monnaie. »
Paul entrouvrit la bouche, surpris avant de la refermer, dégoûter de ne pas avoir vaincu Aurore dans ses arguments. Il soupira alors qu'un petit sourire se faufila sur ses lèvres, si cela pouvait la faire plaisir qu'elle puisse payer sa boisson... Alors qu'elle le fasse.
« Je te devais bien ça. »
Elle ne lui devait rien du tout. Quand est-ce qu'elle comprendra qu'elle n'était pas redevable ?
Il la vit se lever et mettre son manteau et son écharpe avant de s'ôter de sa chaise lui aussi et d'enfiler son blouson sur le dos. Après cela, ils serpentèrent entre les tables en bois et de saluer certains serveurs avant de sortir dans un petit vent froid.
Ils continuèrent leur petite balade et sortirent du quartier commercial quelques instants plus tard où ils découvrirent peu à peu le calme des petites ruelles. Quelques feuilles jaunes-oranges s'étalèrent sous leurs pieds tandis que d'autres tombèrent des arbres devenus peu à peu nus, offrant certaines de leur branches fines au ciel. Les couleurs chaudes régnèrent dans les venelles, rendant le quartier plaisant.
Une sonnerie interrompit la conversation qu'ils avaient depuis leur sortie du restaurant authentique, obligeant à Paul de sortir son mobile de sa poche. Il observa le nom de l'appelant, les sourcils froncés, pourquoi son frère l'appelait ? Il le mit à son oreille dans un « Reggie ? » interrogative, faisant arrêter leur marche involontairement.
« Salut frérot. J'ai oublié les clefs, donc ne verrouille pas la porte. »
Quoi, il l'appelait juste pour lui dire cela ? Paul soupira grassement tout en roulant ses yeux. Il aurait pu éviter de l'appeler quand même...
« Si c'était juste pour les clefs, tu aurais pu m'envoyer simplement un texto. »
« Pourquoi ? Tu dormais ? » Ria Reggie, doucement.
Paul jeta un coup d’œil à sa gauche où il vit la jeune femme serrer son manteau entre ses bras contre le petit vent tiède qui passait sur son visage, faisant voltiger ses longs cheveux.
« Non. »
Paul entendit son grand frère parler à une personne, qui devait sans doute être sa petite amie, pensa-t-il, mais l'information que l'aîné lui donna lui rendait en tort.
« Je suis avec maman et papa. Avec Mélina on les a croisés par hasard au centre commercial. »
Le jeune homme se sentit raidir froidement à la prononciation du mot « papa ». Depuis l'anniversaire de mariage, ils ne s'étaient pas adresser la parole pour quoi que ce soit. Et parfois il regrettait encore d'être partie à cette soirée...
« Ah. »
Qu'est-ce qu'il pouvait répondre ? Avec son foutu coup de fil, il était en train de casser l'ambiance qu'il avait eu avec Aurore.
« Bon Reggie, qu'est-ce que tu me veux ? »
« Eh bien, j'ai l'impression que je te dérange. »
Paul mordilla sa lèvre inférieure, devait-il lui dire qu'il était avec quelqu'un ou plus précisément qu'il se baladait avec Aurore ? Un soupir s'échappa de ses lèvres avant de glisser sa main dans ses cheveux, un peu nerveux.
« Oui et pas qu'un peu. »
« Hum hum... T'es avec quelqu'un ? »
Le visage du jeune homme blanchit subitement, on aurait dit que son grand frère lui demandait s'il sortait avec une fille. C'était tout comme.
« Je suis sorti. » Répondit en évitant la question.
Le jeune homme entendit un petit rire moqueur retentir au creux de son oreille, comprenant que son grand frère n'allait plus le lâcher tant qu'il n'aurait pas répondu à sa question.
« Bien, t'es avec des collègues ? »
Paul passa sa main sur son visage, mais comment un coup fil pouvait-il lui donner l'impression d'être un minable ? Et puis de quels collègues parlaient-ils ? Paul avait décidé de ne faire aucuns liens d'amitiés avec les autres professionnels de l'entreprise tant qu'il ne serait pas officiellement embauché. Il soupira grassement avant de lui répondre d'un ton las, un petit « non » tout en guettant de nouveau la jeune femme.
« Avec une fille alors ? Oh tu as rencontré une jolie femme ! »
Mais bon sang, c'était quoi cet interrogatoire ? ! Oui il avait rencontré une jolie femme et elle était à ce moment même à côté de lui. Et alors, qu'est-ce que cela pouvait lui faire ? Il fit signe à Aurore qu'ils pouvaient reprendre leur marche avant d'entendre la voix de sa mère au loin. Cette dernière venait de demander à Reggie si le cadet avait trouvé enfin une femme. Il soupira une nouvelle fois, mais dans quoi Reggie l'avait fourré ? Il savait qu'il aurait dû mettre son cellulaire sous silencieux...
« Je suis dehors avec Aurore. » Souffla-t-il, découragé par les questions de son frère.
Paul voulait terminer cette conversation au plus vite, mais malheureusement pour lui l'aîné avait encore des choses à lui dire.
« Il est avec Aurore. » Entendit-il avant de discerner une petite exclamation de joie de la part de sa mère.
Génial..., pensa Paul ironiquement. Reggie lui demanda si Aurore allait bien, le jeune homme lui répondit un « oui » bref traduisant son impatience. Il entendit de nouveau d'autres voix où il distingua des mots inaudibles de son père lui faisant rappeler la dispute qu'il avait eu quelques semaines plus tôt.
« En fait, c'était juste pour te prévenir que papa et maman mangent à la maison ce soir. »
« Super. » Déclara-t-il d'un ton sarcastique.
« Paul... »
« Pas de commentaires Reggie, tu sais très bien que je suis en froid avec lui. »
Éviter de prononcer le nom, c'était encore mieux, songea-t-il, ne voulant pas rendre Aurore inquiète. Il l'entendit soupirer de lassitude avant de comprendre que Reggie ne bataillerait pas contre lui sur ce sujet-là.
« Bon. Je te laisse avec ta future petite chérie ! »
Le rouge monta à son visage rendant un coup de chaleur au jeune homme. Celui-ci lui riposta qu'il ne se passerait rien du tout, en bégayant, faisant rire une nouvelle fois l'aîné.
« C'est ce que tu dis, mais dans le fond, tu n'en sais rien et puis tu l'aimes bien hein... »
Paul soupira doucement tout en épiant Aurore qui avait son regard en face d'elle. Oui il l'aimait bien, même plus que cela...
« Je te dis à tout à l'heure frérot ! »
« Ouais, à plus. »
Le jeune homme s'excusa auprès de son amie tandis que cette dernière lui rassura que c'était normal, après tout, on ne pouvait pas prévoir les coups de fils. Ils contournèrent une autre rue avant d'arriver dans celle de Paul. Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant le petit pavillon du concerné. Ce dernier ouvrit le portail, sortit ses clés afin de déverrouiller la porte d'entrée et laissa passer la jeune femme avant lui. Le sourire aux lèvres, Aurore redécouvrit le salon où elle avait vu pendant plusieurs semaines Paul dormir sur le fameux canapé. Rien n'avait changé à part le fait qu'il n'y avait plus les affaires du jeune homme dans le salon.
« J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne suis pas venue ici. »
Paul qui venait de remettre sa clé dans la serrure de la porte, lui répondit que cela faisait déjà presque deux semaines qu'elle n'avait pas mis les pieds dans ce lieu avant de l'entendre exclamer un « déjà ! », faisant acquiescer le jeune homme dans un petit sourire moqueur.
« Tu peux déposer ton manteau sur le canapé. »
Pendant qu'il retira son blouson, il observa la jeune femme enlever son trench beige, mettant plus en valeur son ventre arrondi. Il avait encore du mal à croire qu'elle était enceinte. Après tout, au début cela ne se voyait pas physiquement qu'elle attendait un bébé, mais la voir avec ce ventre cela réalisa au cadet que cet être vivant qui se développait dans son ventre était bel et bien réel.
« Sinon ton frère, ça se passe toujours bien avec sa copine ? »
« Oui, ils commencent à parler de fonder une famille, ça devient vraiment sérieux. »
Il vit la jeune femme s'avancer vers lui, avec un grand sourire dans un « Ah oui? ». Paul acquiesça avant de continuer de parler.
« Je crois que le fait de te savoir enceinte, leur donne envie d'avoir des enfants. »
Aurore avait su quelques jours avant de rentrer chez sa mère que Reggie avait révélé à sa petite amie qu'elle était enceinte, lui disant que Mélina avait eu l'impression qu'il lui cachait quelque chose. La jeune femme ne lui en avait pas voulu et l'avait rassuré que Mélina était une superbe fille et qu'elle avait le droit de savoir.
« Je trouve qu'ils forment un beau couple. »
Paul acquiesça de nouveau avant d'entendre la sonnette retentir. Cela ne pouvait pas être Reggie, il serait rentré sans avoir eu le besoin de sonner. Il fronça les sourcils quelques secondes avant d'avertir Aurore qu'il allait voir qui pouvait bien sonner à sa porte. Lorsqu'il l'ouvrit, il aperçut un homme qui lui était familier marcher dans la petite avant-cour, dans sa direction. Il fronça de nouveau, mais qu'est-ce qu'il voulait celui-là...? Il écarquilla soudainement ses orbes foncés en se rendant compte de la personne qui s'était arrêtée sur le seuil avec un sourire narquois.
« Vous ! Dégagez d'ici ! »
« Alors là, il n'y en ai pas question. »
Le fameux homme poussa fortement le chevelu violet, faisant pour la même occasion découvrir la jeune femme qui était derrière ce dernier, quelques mètres plus loin, à côté du canapé.
« Aurore, ça fait longtemps... »
« Ludovic. » Murmura-t-elle, choquée.
Le brun baissa son regard sur le petit ventre arrondi de la jeune femme, faisant serrer sa main gauche en poing, les sourcils froncés, alors que les traits de son visage se déformaient peu à peu tout en décollant ses pieds du seuil de la porte afin d'entrer.
« À ce que je vois, tu n'as pas perdu de temps avec ce ringard ! »
Au moment où il se dirigea vers elle, dans une colère qui l'animait fortement et qui rendait la jeune femme pétrifiée, Paul vit le regard apeuré de cette dernière et décida de se mettre entre elle et Ludovic. Mais comment savait-il où il habitait ? Les avait-il suivit ? Il aurait dû faire attention à ce qui se passait autour de lui, autour d'eux culpabilisa-t-il. Devant le brun colérique, il lui cracha de la laisser tranquille dans une voix qui se voulait ferme et froide.
« Sortez de chez moi où j'appelle la police. » Continua-t-il dans une menace.
Paul comprit à son froncement de sourcils que l'ex-compagnon d'Aurore ne céderait pas à sa piètre menace et reçu un coup de poing qu'il n'avait pas vu venir en pleine figure, avant d'entendre la jeune femme s'écrier de frayeur. Le jeune homme, décidé à ne pas se laisser faire, lui rendit le coup transformant une éclatante bagarre devant le visage choqué d'Aurore. Cette dernière se tint à l'accoudoir du canapé, encore trop surpris pour faire quoi que ce soit alors que sa main glissa instinctivement sur son abdomen.
« Arrêter de vous bagarrez ! Je vous en supplie ! »
Paul aurait bien voulu obéir à la jeune femme, mais face à Ludovic qui était sauvagement en crise de colère noire, il ne pouvait faire d'autre que de continuer en espérant le fatiguer et le faire déguerpir au plus vite. Il sentit sa lèvre se fondre, formant une plaie à la commissure des lèvres à ce nouveau coup qu'il avait reçu. Au cours du combat, Paul avait perdu l'équilibre, faisant entraîner son adversaire avec lui dans sa chute. Il sentit malgré lui une coupure légère dans son dos dû à la grosse lampe posée sur la tablette auprès du fauteuil qui venait de tomber par la même occasion à terre, provoqué par l’effondrement du poids commun des deux hommes.
« Alors, t'a kiffé la baiser ?! Hein, elle te plaît cette connasse... »
Paul fronça les sourcils, de plus en plus irrité par cet homme qui lui faisait croire qu'il était meilleur que lui. Il ne supportait pas les propos qu'il venait de dire et profita pour lui donner un coup de pied entre les cuisses faisant accentuer les légers traits de douleur sur le visage hâlé de l'ex-fiancé avant d'être relevé négligemment dans une prise de main forte et d'être bloqué contre un mur à côté de la porte ouverte. Il aperçut Ludovic s'approcher son visage vers le sien avant de sentir ses lèvres à son oreille laissant entendre ses mots susurrés.
« Écoute-moi bien, elle m'appartient. »
Le jeune homme sentit son pull se serrer vers son cou, où les mains de Ludovic l’empêchèrent de se débattre. Lorsqu'il sentit son pull se desserrer, il essaya de nouveau de se débattre alors qu'il entendit une nouvelle fois la voix suppliante de la jeune femme. Malheureusement, le brun, encore enragé, lui donna un coup de genou en plein ventre faisant remonter un peu son cappuccino qu'il avait à peine ingéré une heure auparavant. Paul toussa brièvement avant de comprendre qu'il touchait à peine le sol et fut projeter vers l'encadrement de la cuisine où il s’écroula lamentablement sur le sol.
« Paul ! »
Aurore partit vers le jeune homme mais fut stopper par son ex-compagnon qui le prenait férocement par le bras.
« Toi, tu viens avec moi ! »
La jeune femme se débattit le mieux qu'elle pouvait, malgré la douleur que le brun lui faisait à son poignet avant d'entendre la voix de Reggie retentir dans le salon.
« Mais qu'est-ce qui se passe ici ?! »
Il écarquilla ses yeux en comprenant que l'homme qui tenait auprès de la chevelue bleue était le fameux Ludovic que Paul lui avait parlé. Il tourna son regard sur son petit frère où il l'aperçut au sol près de la cuisine, se lever difficilement.
« Oh mon Dieu, Paul ! »
Lara qui venait de rentrer avec son mari dans le salon vit l'état critique de son fils et courut auprès de lui, l'aidant à se relever avant d'apercevoir les autres personnes présentes dans la pièce.
« Qui êtes-vous ? » Questionna-t-elle, le regard posé durement sur le brun.
Le fameux bagarreur ne répondit pas à la question de la mère de Paul, voulant sortir de cette maison.
« Ludovic. » Répondit Reggie, « Qu'est-ce que vous faites là ? »
Le brun se tourna vers l'aîné tout en fronçant ses sourcils, qui était-ce gars encore ? Il fit un sourire au coin en lui répondant qu'il était venu reprendre ce qui lui appartenait, tout en posant son regard hautain sur Aurore.
« Lâche-moi. » Ordonna Aurore
Ludovic resserra de plus en plus sa main sur le bras de sa soi-disant fiancée, donnant un petit gémissent de mal-être à cette dernière, avant de la tirer vers lui, tout en lui indiquant de le suivre.
« Elle n'ira nulle part ! »
C'était Paul qui venait de parler, et malgré la douleur qu'il pouvait ressentir dans tout son corps, il s'avança vers lui avant de voir son père et son frère faire de même. Ludovic comprit en voyant les trois hommes venir vers lui qu'il ne pouvait pas faire grand-chose pour s'enfuir avec la jeune femme.
« Je vous conseille de partir loin d'ici avant que je puisse vous casser la gueule, vous et votre putain d'arrogance. »
Un rire cynique sortit des lèvres du brun, aux mots prononcés par le chef de famille avant de réaliser qu'il fut violemment plaquer contre le mur, près de son plus jeune fils. Ce dernier observa la scène tandis que sa mère partit voir comment allait la jeune femme.
« Je te jure mon gars, tu n'as pas intérêt à revenir nous voir, et si tu touches à un de mes fils où à cette demoiselle, crois-moi, tu vas le regretter. »
Cette fois-ci c'était au tour de Ludovic d'être contre le mur, sous le regard examinateur du cadet. Ce dernier fut surpris par le comportement de son père et surtout les mots qu'il venait de prononcer. Quand il pensait que quelques semaines plus tôt son père lui avait menacé de ne plus fréquenter sa petite sœur et qu'il avait jugé Aurore sans la connaître... Il avait l'impression que c'était loin maintenant.
« Maintenant, dégage ! »
Le bagarreur fut rejeté, se laissant presque tomber à terre avant de se rattraper en se tenant sur le mur à l'aide de sa paume. Il fit un regard mauvais à toutes les personnes présentes dans la pièce, insistant sur Fabien et Paul avant de quitter rapidement la maisonnette.
Après qu'il était parti, Paul dériva son regard sur la jeune femme, l'obligeant à se diriger vers elle afin de savoir si tout allait bien. Aurore était assise sur le canapé auprès de sa mère. Cette dernière essaya de la rassurer le mieux qu'elle pouvait avant de poser son regard sur son fils cadet.
« Paul, tu es blessé. »
« Je vais bien maman. » Rassura-t-il alors qu'il s'assit sur le fauteuil en face du canapé.
Reggie prévint son frère qu'il allait chercher la boîte à pharmacie à l'étage afin de soigner la blessure à sa lèvre. Comme s'il avait oublié, Paul mit son index à sa plaie où il sentit le liquide rouge.
« Je ne me sens pas bien. »
Tous les regards se dirigèrent vers la jeune femme, qui venait de s'ôter du canapé en informant qu'elle avait une envie de vomir. Inquiète, Laura décida de l'accompagner jusqu'au cabinet.
Pendant ce temps, Paul entendit le bruit de la cafetière, faisant repenser à l'odeur du cappuccino qui lui était revenue dans sa gorge. Il se leva et fit une grimace traduisant la douleur lorsqu'il mit son dos droit. Ludovic ne l'avait pas raté sur ce coup-là...
Il parcourut la distance entre la cuisine et le salon, avant de s'arrêter devant son père, qui était en train de prendre du café. Paul se demandait au fond de lui pourquoi il s'était déplacé jusqu'à son père. Il soupira grassement, faisant poser le regard de son père sur lui.
« Il t'a bien amoché. » Entendit-il
Si c'était pour louer les qualités de bagarreur de Ludovic il pouvait bien la fermer. Paul soupira de nouveau, mais pourquoi il n'était pas resté sur le fauteuil ! Le mal de dos se fait sentir de nouveau, obligeant au jeune homme de tirer la chaise en face de lui et de s'asseoir auprès de la table dans un léger gémissement de douleur. Il remarqua que son père s'avança vers lui, prit la chaise à côté de lui tout en faisant un raclement de cette dernière contre le sol avant de se poser dessus. Il l'entendit boire son café noir dans une petite gorgée discrètement bruyante avant de reconnaître sa voix qui sortit de sa bouche.
« Je crois qu'il est temps de se parler. »
Un sourire jaune se forma sur le visage de Paul. Se parler ? Et depuis quand ils se parlaient vraiment ? Les deux hommes avaient leurs regards fixés devant eux, sans oser se croiser leurs yeux sombres. Paul ne disait rien et attendit ce que son père pouvait lui dire.
« Ta mère m'a parlé de ce qui s'est passé avec cette fille... »
Paul pivota soudainement sa tête vers lui, les yeux écarquillés, qu'est-ce qu'il savait exactement ? Savait-il de qui Aurore était enceinte ? Connaissait-il les événements qui s'étaient passé durant son séjour à l'hôtel, cet Été ? Et depuis quand sa mère était au courant ? Était-ce depuis sa visite à la maison lors de sa coloration improvisée ? Le jeune homme se posait beaucoup de questions et tout ce qu'il voulait c'était que Fabien puisse continuer à parler.
« Ah ? Il s'est passé quoi ? » Déclara-t-il d'un ton ironique.
Il l'entendit soupirer grassement, alors qu'il reposa son regard en face de lui. Il sentit les orbes foncés de son père sur lui et n'osa pas le croiser de peur de revoir cette étincelle de colère qu'il avait aperçue quelques semaines auparavant.
« Tu sais très bien de quoi je parle. »
Paul fit une petite grimace explicite face à ces mots. Il ne pouvait pas faire comme tout le monde et dire tout ce qu'il savait ? Après tout, c'était lui qui avait commencé à parler de ce sujet délicat.
« Qu'est-ce tu veux ? Pourquoi tu me parles de ça ? »
Un silence se plaça rapidement après lui avoir posé ces questions qui lui trottaient dans sa tête depuis le début de la discussion. Paul entendit de nouveau son père prendre une gorgée de son café avant de voir sa tasse sur la table.
« Je voulais juste... »
Paul tourna sa tête vers son père, espérant connaître la suite de sa phrase mais il comprit à sa mâchoire contractée, que les mots ne lui venaient pas. Il soupira discrètement faisant mine de ne pas être rongé par cette subite curiosité. Il 'entendit lâcher un soupir avant d'écarquillés ses yeux face aux mots qu'il venait de prononcer.
« Je suis fier de toi, Paul. »
Il voulut dire quelque chose, mais lorsqu'il ouvrit la bouche, aucun son ne fut échappé. Il comprit au raclement de chaise que son père venait de se lever et de quitter la cuisine, le laissant stupéfait face à ces mots. C'était la première fois qu'il lui disait cela...
Il passa sa main sur son visage, encore surpris par ce qui venait de se passer et compris qu'à travers ces petits mots que son père ne l'avait jamais vraiment détesté comme il le croyait fort longtemps.
« Ah te voilà. »
Paul tourna sa tête vers l'entrée de la cuisine où il aperçut son frère rentrer. Il le vit s'asseoir sur la chaise où son père venait de quitter quelques minutes auparavant. L’aîné posa la grosse boîte sur la table avant de l'ouvrir.
« Et ben, tu m'as l'air perdu. »
Le jeune homme ne lui répondit pas, se laissant se soigner par son frère qui venait d'appliquer un produit sur un coton avant de l'avertir que sa risquerai de piquer sur sa plaie. Il sentit le produit lui picoter la lèvre avant de voir que son frère palpait légèrement le coton sur sa blessure.
« Tu nous a fait une belle frayeur, surtout en te voyant à terre... » Avoua-t-il tout en remettant le produit sur le coton.
Paul comprit qu'il faisait allusion à la bagarre qui s'était passé quelques instants auparavant et détourna le regard tout en se disant intérieurement qu'il avait été pathétique...
« Aurore est encore sous le choc. »
Il écarquilla ses yeux, souvenant de ses cris de supplications lors de la bagarre. Il espérait que le choc qu'elle avait, n'aurait pas de conséquences pour le bébé. Il sentit de nouveau le coton sur sa lèvre ainsi que le produit qui lui brûlait futilement sa commissure.
« Elle s'inquiète vraiment, je crois qu'il faut que tu la rassures. »
Il décida de se lever mais fut vite rattraper par son grand frère qui lui obligea de reprendre sa place sur sa chaise avant de l'entendre lui dire qu'il irait voir la jeune femme après avoir terminé les soins.
« Plus tard. » Souffla le cadet alors qu'il entendit son frère lui répondre un « non » ferme.
Reggie aussi avait été très inquiet pour lui pensa le jeune homme avant de céder à son frère. Ce dernier appuya sur une partie du front du cadet, faisant lâcher un petit gémissement à Paul.
« Tu as une bosse qui commence à se pointer. »
Il l'observa prendre un tube de crème, la même qu'Aurore avait utilisé pour ses ecchymoses au début de son séjour chez eux avant de mettre le contenu aux bouts de ses doigts et de sentir la fraîcheur du produit sur son front.
« Tu sais, je pouvais faire ça tout seul. » Soupira le cadet.
Il vit un léger sourire mélancolique sur le visage de son grand frère avant de voir sa bouche s’entrouvrir afin de discerner quelques mots.
« Peut-être. Mais tu l'aurais fait plus tard. » Déclara-t-il en reprenant les mots du cadet.
Oui et alors, avait-il envie de dire avant de soupirer, las. Cela confirmait sa pensée, que son grand frère était vraiment très inquiet pour lui. Après quelques minutes à bien mettre la pommade sur la bosse de Paul, l'aîné le libéra de la chaise. Au moment où il voulut sortir de la cuisine, il s'obligea à s'arrêter devant sa mère qui venait de se s'arrêter devant lui. Cette dernière informa ses deux fils qu'Aurore n'avait finalement plus son envie de vomir et qu'elle avait emmené la jeune femme dans la chambre de Paul afin qu'elle puisse se reposer. Lara s'approcha de son fils cadet, mit ses mains de chaque côté de ses épaules tout en le dévisageant, les yeux grand ouverts traduisant sa frayeur qu'elle avait pu ressentir lorsqu'elle était entrée dans la maison.
« J'ai eu très peur en te voyant à terre. »
« Maman... » Soupira-t-il.
« Quand on avait vu la porte ouverte, on s'était vite inquiété. » Déclara-t-elle d'un ton soucieux, « Au début, on a cru qu'il y avait eu un cambriolage. »
Paul sentit sa mère le serrer fortement dans ses bras. Il écarta les siens afin de la prendre lui aussi dans ses bras, son visage au creux de son cou, sentant la jolie odeur de son parfum féminin qu'il adorait sentir lors de ces moments de câlins. Après cet échange affectueux, il partit vers les escaliers laissant son regard quelques secondes sur son père qui était assis sur le fauteuil avant de monter précipitamment dans de grandes enjambées.
Arrivé devant sa chambre, il observa la jeune femme qui était encore assit sur le lit et décida de rentrer avant de la voir tourner sa tête vers lui. La nuit commençait à tomber plus rapidement, faisant penser au jeune homme que bientôt ils seront en horaire d'hiver, puis alluma la lumière afin de mieux découvrir le visage abattu de la jeune femme. Celle-ci se leva rapidement alors qu'il parcourut les quelques mètres qui les séparaient.
« Tu as mal quelque part ? »
Paul n'avait jamais vu autant de personnes s'inquiéter pour lui en si peu de temps. Il avait envie de lui dire qu'il avait mal partout, qu'il avait sans doute quelques bleus sur certaines parties de son corps mais il préférait ne rien avouer.
« Euh... non. » Mentit-il difficilement.
« Quand je l'ai vu entrer, j'ai repensé à tout ce qu'il s'était passé lorsque j'étais avec lui. »
Il la vit mettre sa main sur son ventre tout en l'écoutant attentivement ce qu'elle lui disait.
« Il croit que je suis enceinte de toi. »
Le jeune homme acquiesça confirmant ses dires dans un petit « oui » avant d'entendre de nouveau sa petite voix.
« Je me dis que j'aurai préféré ça. »
Le chevelu violet écarquilla ses yeux face à cet aveu, elle aurait aimé que cela soit lui le père de l'enfant qu'elle portait. Il la vit dangereusement s'approcher de lui, se demandant intérieurement ce qu'elle voulait faire alors qu'il sentit sans prendre garde ses lèvres douces sur les siennes, faisant oublier cette plaie qui commençait à durcir sur sa fine peau. Son organe vital sursauta à cet inattendu geste, accélérant sa pulsion cardiaque qui traduisait cette soudaine jouissance qu'il avait lorsqu'il touchait ses lèvres roses. Il ressentit la chaleur qu'il connaissait si bien l'envahir dans tout son corps alors qu'il essaya de se persuader que ce qui s'était en train de se passer était bel et bien réel. Il avait peur que cette scène ne soit que le produit de son imagination et n'osa pas relever les paupières dont ils venaient de fermer pour savourer l'instant présent. Après sa surprise, il essaya de lui montrer qu'il aimait cet échange en pressant timidement ses lèvres légèrement humides sur celle de la jeune femme puis il discerna un léger gémissement oppressé de cette dernière. Il voulait que cet instant dure une éternité, même si ce n'était qu'un geste gracieux et fragile et espérait qu'il puisse franchir les barrières de ses lèvres afin de répondre vivement à son baiser. Malheureusement lorsqu'il tenta de le faire, il sentit la bouche de la jeune femme se décoller de la sienne faisant regretter son manque de rapidité à répondre à ce geste affectueux tandis qu'il vit les grands yeux bleus scintillants et surpris d'Aurore.
« Oh, je ne sais pas ce qui m'a pris ! Je... je crois que c'est le choc... »
Il la vit mettre sa main sur sa bouche, encore étonné par ce qu'elle venait de faire tandis que Paul essaya de trouver les mots pour lui faire comprendre qu'il avait aimé ce court échange. Mais il réalisa que la jeune femme ne semblait pas vraiment partager son sentiment lorsqu'il l'entendit s'excuser. Pourquoi était-elle désolée ? Est-ce qu'elle voulait dire par là qu'elle n'avait aucun sentiment amoureux envers lui ? Son cœur se serra face à cette déduction alors qu'il vit la jeune femme quitter sa chambre silencieusement. Le jeune homme toucha ses lèvres comme pour vérifier qu'il avait véritablement vécu cette embrassade alors qu'il soupira tout en se posant lourdement sur son lit, mais qu'est-ce qui venait vraiment de se passer ? Elle l'avait embrassée mais c'était juste sous le choc, cela voulait dire que ce n'était pas réellement les sentiments d'Aurore qui avait poussé cette dernière à faire ce geste ? Il passa nerveusement sa main sur sa nuque, maintenant il ne savait plus comment il allait se comporter en présence d'Aurore.... Perdu dans ses pensées, il n'aperçut pas la jeune femme qui s'était appuyé derrière le mur, dans le couloir, encore chamboulée par ce qu'elle venait faire.