L'Alakazam qui ne voyait pas [Aventure/AAML] TERMINEE

Quand Robin revint à lui, il faisait déjà presque nuit. Une lune mystérieuse flottait au dessus des eaux, baignant de sa lumière douce et nonchalante le mari de Morgane.

- Qu’est-ce que… Fit celui-ci en se levant avec difficulté. Il fait déjà nuit ?! Oh non…

Pris de panique, Robin se mit à courir sur le sentier menant à la route 25. Sa tête le faisait souffrir et il ne savait absolument pas ce qu’il faisait ni ce qu’il devait faire. Si. Trouver de l’aide. Il fallait absolument qu’il trouve quelqu’un, peu importe qui. Et transmettre les coordonnées que lui avait donnés sa femme pour envoyer des secours.
Voilà, trouver des secours.
Il fallait qu'il trouve des secours.
Chérie… J’espère que tu vas bien… Pensa-t-il, la gorge nouée.

Mais son escapade en mer l’avait bien plus fatigué qu’il ne le pensait et ce n’est pas son moment d’inconscience sur les côtes qui l’avait reposé. Son souffle se fit bientôt court et il arriva un moment où ses jambes eurent du mal à le soutenir. Il était pourtant inenvisageable de faire appel à son Dracolosse. Son ami avait déjà assez souffert ainsi.

Épuisé, Robin s’arrêta sur la route caillouteuse, les mains sur les genoux, tentant de reprendre sa respiration. Il se retourna fébrilement pour se rendre compte que, malgré son impression, il avait couru beaucoup plus longtemps qu’il ne le pensait. On ne distinguait déjà plus les côtes vu d’ici.
Qu’allait-il faire maintenant pour avancer ? Il fallait qu’il trouve une solution.

- Bonjour, vous êtes perdu ? Fit soudain une silhouette floue à quelques mètres, d’une voix douce et étrangement lointaine.

Ça-y-est… Se dit Robin. J’ai perdu l’esprit, je vois des fantômes. C’est donc elle la dame blanche du bord des routes ? Ah ma tête…
L’époux de Morgane tomba à genoux.

- Vous allez bien monsieur ? Répéta l’inconnue d’un ton inquiet.

Robin sentit alors une main fraiche se poser sur son front.

- Vous avez un peu de fièvre, c’est bien ce que je pensais.

Robin leva des yeux troubles vers cette voix apaisante. La dame qui lui faisait désormais face n’avait plus rien d’irréel. Elle était brune, d’un âge moyen. Vêtue d’une robe blanche vaporeuse et d’un gilet rose, elle aurait pu être belle si son visage n’avait pas été autant marqué par la fatigue et l’inquiétude.

- Bonjour… Souffla Robin. Qui êtes-vous…
- Qui je suis ? C’est moi qui devrais vous poser cette question ! Que vous prend-il donc de courir à travers la forêt à cette heure ! Êtes-vous inconscient ?
- Je… Je… J’ai besoin d’aide…
- Et bien ça c'est le moins qu’on puisse dire !

La dame s’approcha de Robin et l’aida à se relever. Le pauvre homme faisait peine à voir.

- Et voila ! De nouveau sur pieds !
- Merci… Mais vous que faites vous ici ? Une femme seule en pleine forêt…
- Oh merci de vous inquiéter, mais je suis loin d’être seule ! C’est juste… Que j’avais du mal à dormir. Alors je me promène. La forêt m’apaise.

Un voile gris s'était abattu sur son teint. Tandis qu'elle passait sa main dans ses cheveux, Robin se questionna. On aurait dit que cette dame avait perdu quelque chose d'important.

- Je peux comprendre, finit-il par dire. Mais dites-moi, il faudrait vraiment que je trouve de l’aide… Savez-vous où je peux trouver un poste de police ?
- Je peux vous amener à un agent Jenny si vous le souhaitez, répondit la dame, le visage méfiant. Vous n’êtes pas plongé dans une salle histoire au moins ?
- Non non… Ah moins que… Les réseaux téléphoniques remarchent-ils ? Avez-vous un téléphone ?

La dame secoua la tête faisant voleter ses cheveux autour de son visage pâle.

- Non. Je suis navrée, à cause de la Team Rocket, tous les réseaux sont encore bloqués.
- La… Team Rocket ?! S’exclama Robin. Mais… Comment savez-vous que ce sont eux qui sont responsables ?
- Pardon ? Mais vous ne suivez pas les journaux télévisés ? Tout le monde connait le plan de cet effroyable Mr. Giovanni à présent. De plus en plus de gens disparaissent, c’est une catastrophe ! Ou étiez-vous donc ces derniers jours ?
- J’étais… J’étais… Murmura Robin confus.

Son interlocutrice sembla remarquer son désarroi et son visage, bien que toujours rongé par une angoisse indéfinissable, se radoucit.

- Je suis navrée monsieur. Peu importe ce qu’il vous arrive, je vais vous amener à l’Agent Jenny.
- Me… Merci…
- Je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Délia Ketchum, et vous ?

A l’entente de ces quelques mots, Robin eut un mouvement de recul. Ketchum. Il avait déjà entendu ce nom quelque part. Ketchum… Mais bon sang, oui !

- Mais... Vous êtes de la mère de Sacha ?! S’écria-t-il alors, en prenant les mains de Délia dans les siennes.

Sous les yeux de Robin, le visage de la dame passa en quelques secondes de la surprise à la peur puis de la peur à un espoir démesuré.

- Sacha ! Vous connaissez Sacha ?! S’exclama-t-elle alors comme une grenade que l’on aurait dégoupillée. Où est-il ? Où est-il ? Je vous en pris ! Dites-moi où il est !

Le mari de Morgane essayait tant bien que mal de libérer ses mains de l’étreinte de Délia, qui malgré son apparence fragile, allait finir par lui broyer les os. Il n’eut pas le temps d’essayer de la calmer qu’un homme légèrement plus âgé que la mère de Sacha sortit des bosquets qui bordaient le chemin.

- Ah Délia, je vous retrouve ! Qu’est-ce qu'il vous prend de partir comme ça au beau milieu de la nuit ! Je… Tiens, bonjour, qui êtes-vous ? Demanda l’homme en voyant Robin devant lui.
- Bonjour, je…
- Professeur ! Professeur ! Cet homme connait Sacha ! Il sait où il est ! Glapit la maman de Sacha, des larmes commençant à perler au coin de ses yeux.
- Vraiment ? Questionna l’homme, en gardant son sérieux.
- Oui, répondit Robin en baissant la tête. Avec ma femme Morgane, Sacha et Ondine, nous étions partis arrêter la Team Rocket, dont à priori, vous avez entendu parler et…

La voix de Robin se brisa, il n’arrivait pas à trouver les mots. Il ne savait plus où il en était. Parler de sa femme lui était douloureux. Et que faisaient ces gens perdus au beau milieu de nulle part. Etait-il toujours inconscient sur les berges de la route 25 ?
Elli mon ami, se dit-il… Je divague…

- Monsieur, monsieur, calmez-vous, fit l’homme d’une voix ferme. Je vois très bien qui vous êtes. J’ai même du mal à y croire. En fait, nous vous cherchions. Je suis le Professeur Chen, ajouta-t-il en tendant une main à Robin.

Robin fixa la main sans savoir quoi faire. Le Professeur Chen ? Il en avait souvent entendu parler. C’est vrai qu’en y regardant de plus près, son visage lui semblait familier. Il avait du le voir à la télévision.

- Allez monsieur suivez-vous… Nous allons vous emmener au camp, un bon repas chaud ne vous fera pas de mal.

Le Professeur Chen prit Robin par l’épaule. Malgré son âge, sa poigne était solide et Robin se sentit en sécurité. Délia, quant-à-elle, continuait à s’agiter de l’autre côté du Professeur. Celui-ci la somma de se calmer, en effet, vu l’état de Robin, il doutait qu’on puisse en retirer quelques informations concernant l’emplacement de Sacha, Morgane et Ondine.

Après quelques minutes de marche à peine, le petit groupe se retrouva dans une clairière, celle-là même où Sacha c’était arrêté pour dormir à son retour à Kanto. Mais contrairement à ce jour là, l’endroit était loin d’être vide. Un  surprenant camp de nombreuses tentes avait été installé autour de plusieurs camionnettes, dont a priori, au vu de leur peinture, au moins une de journalistes et une de premiers secours. Une moto sombre appartenant sûrement à l’agent Jenny était également garée sur les lieux.

- Agent Jenny ! Agent Jenny ! Cria le Professeur Chen en arrivant sur le campement.

Immédiatement, quelques personnes sortirent de leurs tentes, déjà toutes habillées. A priori, elles aussi avaient du mal à trouver le sommeil.  Parmi elles, l’Agent Jenny vint tout de suite à leur rencontre.

- Que se passe-t-il Professeur ? Demanda-t-elle. Vous avez du nouveau ? Tiens, bonjour… Ajouta-t-elle en voyant Robin. Qui êtes-vous ?
- Il s’appelle Robin, répondit Délia. C’est le mari de la championne de Safrania, Morgane. Ils étaient avec la Team Rocket. Il sait où sont Sacha et Ondine !
- Enfin, nous pensons qu’il pourrait le savoir, corrigea le Professeur Chen en toussotant.
- Oh ! Fit L’Agent Jenny, les yeux grands ouverts. Mais c’est merveilleux ! Infirmière Joëlle ! Amenez vite des couvertures !

Une petite tête aux couettes roses sortie d’une tente blanche et courut vers la camionnette médicale d’où elle sortit une couverture. Robin fut assis sur la pelouse tendre de la clairière et on lui servit à boire et à manger. Robin leur raconta tout ce qui lui passait par la tête, même des détails inutiles. Il préférait en dire trop qu’oublier quelques chose d’important. Au fur et à mesure de son récit, l’Agent Jenny notait tout ce qu'il disait dans un petit carnet. Quand Robin finit par donner les coordonnées du repaire de Giovanni, son visage s’éclaira.

- Parfait, dit-elle, en fermant son calepin dans un petit claquement.
- Mais comment allez-vous faire pour appeler des renforts ? Les téléphones…
- Ne vous en faites pas pour cela monsieur, répondit la femme aux cheveux bleus, d’un ton solennel. Escadrille Roucoups !

Immédiatement, une dizaine de Roucoups sortirent de l’une des tentes et vinrent se positionner en rang parfait devant leur dresseuse. Sous le regard médusé de Robin, celle-ci déchira quelques pages de son carnet et accrocha plusieurs papiers enroulés aux pattes de ses précieux Pokémons vols. Voyant les yeux interrogateurs de Robin, elle lui dit :

- Eh bien ! Comment croyez-vous que nous faisions avant ?

L’Agent Jenny sortit du décolleté de son uniforme strict un petit sifflet qui pendait à son cou et à l’entente de ce son si familier, l’escadrille Roucoups se dispersa dans les airs à une vitesse fulgurante. Bientôt ils ne firent plus que de petits points à l’horizon pour finir par disparaitre dans la nuit noire.

- Ne vous inquiétez pas, tout ira bien maintenant, sourit l’Agent Jenny. Nous allons vous prêter une tente et vous aller essayer de vous reposer.
- Je vous remercie infiniment…

Tandis que l’Agent Jenny s’éloignait, Robin héla l’infirmière Joëlle qui lui réchauffait un plat instantané sur un feu improvisé.

- Infirmière ?
- Oui Robin, qu’y-a-t-il ?
- Pourriez-vous vous occuper de mon Pokémon ? Il va très mal...
- Bien sûr ! Donnez-moi votre Pokéball.

Soulagé, Robin sortit l'objet. Étant lui-même soigneur, il savait à quel point son Dracolosse était mal en point. Il lui fallait des soins de secours et vite.

- Merci, fit l’infirmière en récupérant la Pokéball. De quel Pokémon s’agit-il ?
- Un Dracolosse.
- Un… Dracolosse ? Répondit l’infirmière, soudain livide.
- Oui.
- Mais... Un jeune Dracolosse ?
- Non, non, un adulte. Assez imposant même.
- Mais…
- Que se passe-t-il ?
- Je ne peux pas le soigner, balbutia l’infirmière Joëlle. Il ne rentrera jamais dans la camionnette…

Robin compris alors l’ampleur et la gravité de la situation.

- Il faut l’emmener à un centre Pokémon ! S’écria l’infirmière Joëlle. Nous ne sommes qu’à quelques heures en voiture du plus proche !
- Mais je ne sais pas s’il peut tenir encore quelques heures… Bégaya Robin, des sanglots dans sa voix. Je vous en pris, c’est mon ami, faites quelque chose !
- Je m’en occupe, fit alors une voix grave.

L’Agent Jenny saisit la Pokéball en enfourchant sa moto.

- Agent Jenny, vous êtes sûre ? Fit la dame aux cheveux roses.
- Oui, les secours ne vont pas tarder, vous n’avez pas besoin de moi. Et puis en moto, j’en ai pour beaucoup moins longtemps.

Elle adressa un clin d’œil entendu à ses coéquipier, mit son casque et disparue dans un vrombissement impressionnant.

Robin regarda ses mains vides qui abritaient quelques secondes auparavant, son ami adoré.
Merci pour tout Dracolosse, murmura-t-il en fixant la lune, j’espère que tu t’en sortiras. Délia s’assit alors à ses côtés.

- L’attente, c’est dur pour tout le monde, soupira-t-elle. Je donnerai tellement pour serrer mon petit Sacha dans mes bras. Je ne l’ai pas vu depuis si longtemps. J’espère qu’il n’est pas…

Robin ne la laissa pas terminer sa phrase et passa son bras autour des épaules de cette pauvre dame éplorée.

- Ne vous en faites pas. Il est avec ma femme, tout se passera bien. Morgane est une championne. Elle sait se sortir de toutes les situations.
- J’espère que vous avez raison.
- Et puis les secours seront bientôt là…
- Oui…

Robin ferma les yeux, pour les rouvrir aussitôt. Lui non plus, cette nuit, ne pourrait pas dormir.