L'Alakazam qui ne voyait pas [Aventure/AAML] TERMINEE

- Ondine ? Réponds-moi… Ajouta timidement Sacha en faisant un pas de plus dans la direction de la jeune femme.

Ondine, tout en gardant ses grands yeux embués rivés vers le jeune homme, se releva doucement, le dos toujours collé au grand arbre. Psykokwak se mit comme à son habitude derrière ses mollets, marmonnant son nom en se tenant la tête.

- Qu’est-ce… Qu’est-ce que tu fais là ? Demanda-t-elle, d’une voix qu’elle aurait voulue plus assurée.
- Tu me demandes vraiment ce que je fais là ? Répondit Sacha, irrité. Je te signale que tu es partie de chez Cassandre comme une furie il y a plusieurs heures et que je t’ai cherchée partout !
- Ne prononce pas son nom ! Fit Ondine, crispée, portant ses mains tremblantes à ses tempes douloureuses.
- Mais ce n’est pas possible… Soupira Sacha, las. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi… Bon, allez viens rentrons… Il va commencer à faire nuit. On va soigner tes genoux…

Ondine quitta Sacha des yeux et son regard le dépassa. Effectivement, derrière son ami, le ciel commençait à se teinter d’orange, comme un tableau d’aquarelle dont la peinture aurait dégorgé.
Sacha avait raison, le soleil se couchait déjà.
Était-elle donc restée si longtemps dehors ?
Elle ne s’en était pas rendu compte. Sa tête la faisait toujours souffrir. Elle en avait perdue la notion du temps.

- Vas-y… Murmura-t-elle à Sacha. Je te rejoins dans pas longtemps. Je vais encore rester là un petit peu. J’ai… Besoin de réfléchir encore.
- Non, mais ça ne va pas ? Hors de question ! Tu viens avec moi ! On ne sait pas ce qu’il y a dans ces forêts !
- Bah… Rien contre quoi je ne puisse pas me défendre.
- Te défendre ? Dans… Ton état ?

Sacha sentit le regard dur et blessé d’Ondine le traverser de part en part, brûlant tout sur son passage.
Il aurait simplement aimé pouvoir agiter un drapeau blanc, s’approcher de son amie, la prendre dans ses bras… Mais il connaissait Ondine et celle-ci ne semblait pas avoir changé d’un iota. Ce serait du suicide que de vouloir l’approcher en cet instant présent. Malgré tout, c’est inconsciemment ce qu’il était en train de faire, venant déjà d’effectuer un pas de plus vers elle.

- Reste-là ! Ne t’approche pas ! Fit la jeune femme d’une voix stressée.
- Mais Ondine… Arg tu me fatigues. Tu es vraiment égoïste !
- Quoi !? Pardon !? Égoïste !? Moi !? Répondit, outrée, Ondine, les poings sur les hanches.
- Oui tu n’es qu’une égoïste ! S’énerva Sacha, sentant le rouge lui monter aux joues. Tu disparais comme ça sans prévenir ! Sans te soucier de ceux qui s’inquiètent pour toi ! Tu agis comme une gamine ! Sérieusement, quel âge as-tu ? Si tu veux vraiment le savoir, tu m’as fait honte de partir comme ça de chez Cassandre, elle qui nous a gentiment accueilli chez elle !

Voyant le visage d’Ondine se briser comme une poupée de porcelaine à l’évocation du prénom de la jolie brune, Sacha ajouta :

- Et non ! Je m’en fiche de prononcer son nom ! Au moins elle, elle n’était pas aussi pénible que toi ! Je comprends que Jude ne te réponde même plus, tu es insupportable !

Au fur et à mesure qu’il crachait son venin, Sacha se rendait compte qu’il était allé trop loin et qu’il avait dépassé le point de non-retour. Les paroles sortaient de sa bouche comme des armes d’une guerre qu’il ne souhaitait même pas mener. Ils les voyait partir au combat et toucher à chaque fois un peu plus son adversaire, sans pour autant parvenir à les retenir. Il restait donc ainsi à s’entendre débiter son flot de colère. En fait, à cet instant précis, il était tout aussi immature qu’Ondine et s’en rendait malheureusement bien compte, mais il ne se contrôlait plus, rongé par l’énervement et l’impuissance.

- Je… Je te déteste… Dit Ondine, la voix chevrotante et la mine maladive.
- Ondine…
- Non, tais-toi, ne dis plus rien. Retourne avec elle, ta Ca-ssan-dre, ajouta-t-elle, en insistant fortement sur chaque syllabe. Tu vois, moi aussi je peux le dire ! Je m’en fiche ! Et laisses-moi ici ! Je t’ai dit que j’avais besoin de réfléchir !
- Ah oui tu t’en fiches bien sûr… Effectivement, on ne voit que ça…
- Bien sûr que je m’en fiche ! Si tu savais à quel point les histoires sentimentales de Mr. Sacha Ketchum me passent loin au dessus de la tête ! Cria Ondine, qui commençait à en avoir marre de cette joute verbale sans queue ni tête.
- Alors pourquoi tu t’es enfuie comme ça ? Prononça Sacha, la tête basse, les yeux rivés sur ses chaussures et le ventre noué.
- Pardon ? Fit Ondine, surprise, de la tournure de la dispute.
- Tu sais, il ne s’est presque rien passé entre elle et moi… Je… Je n’éprouve rien pour elle à part de la sympathie.
- Je t’ai dit que je m’en fichais ! Elle et toutes les autres ! Maintenant laisse-moi tranquille !

Ondine perdait patience. Elle était fatiguée, elle en avait assez. La jeune femme ferma les yeux quelques secondes.
Combien de temps il allait rester là, devant elle, comme ça ?  
Il ne pouvait pas partir et la laisser seule ?
Pourquoi est-ce qu’il fallait qu’il s’accroche ainsi ?
Il ne faisait que la blesser d’avantage.
Ondine rouvrit les paupières.
Sacha était, bien sûr, toujours là, dans la même position.

- Il n'y en eu aucune autre.
- Quoi ?
- Des filles, il n'y en a eu aucune. C’est ça que tu veux entendre ? Et bien je te le dis. J’ai jamais eu le temps, ni l’envie à vrai dire. J’avais toujours plus important à faire.

Cette déclaration inattendue déboussola la jeune femme. En fait, étrangement, elle le croyait.

Mais ce n’est pas la question, pensa-t-elle, la mâchoire crispée.

- Psyaieaieaie ! S’éleva soudain la voix du Pokémon.
- Oui je sais Psykokwak… Moi aussi j’ai mal à la tête.
- Ondine, allez viens on rentre… S'obstina Sacha.

Ondine hésita. Le jeune dresseur lui tendait la main, tout en gardant la tête baissée. Il resta ainsi quelques secondes et baissa le bras en soupirant en voyant que son amie ne le saisissait pas.

- Ondine…

Sacha releva son regard vers la jeune femme et plongea ses grands yeux sombres dans les sien, si clairs. Ondine y vit certes de la peur et de l’hésitation, mais aussi une douceur qu’elle ne parviendrait pas à décrire et qui la troubla.

- Quoi… encore ?
- Qu’est-ce que tu ressens pour moi ? Dis-moi vraiment, je veux savoir. Ce mouchoir, ton journal, ton comportement. J’ai l’impression de faire un bond des années en arrière, mais cette fois-ci je ne suis plus le gamin qui laissera les choses se faire son nez et disparaitre. Alors je te le demande une dernière-fois, qu’est-ce que tu ressens pour moi ?

A l'entente de ses quelques mots, Ondine se figea comme un soldat sans son armure, nu devant le guerrier qui lui assénera son coup fatal.  Non, elle ne ferait plus avoir. Peut être ne l'avait-il pas réalisé, mais Sacha lui avait brisé le cœur déjà une première fois. Hors de question qu'il le fasse une seconde fois. Son armure elle l’avait, et c’était l’indifférence.

- Arrête de parler comme ça, finit-elle par dire. Je ne comprends rien à ce que tu dis et je ne ressens rien pour toi. Tu n’es qu’un gamin idiot. Sitôt cette mission terminée, je retourne à ma petite vie ! Lui lança-t-elle d’une voix sifflante.
- Mmm... D’accord, bien. Je voulais juste savoir...

Sacha se retourna et demeura immobile quelques secondes, sans rien dire.
Ondine ne comprenait pas. Elle ne pensait pas que Sacha réagirait comme cela.
Ce qu’elle aurait préféré lui dire bien sûr, aurait ressemblé à : " Je t’aime, bien entendu, imbécile ! Depuis toujours ! Mais je ne me ferai plus avoir par quelqu’un qui n’en a rien à fiche de moi !".
Mais rien n'était facile, et surtout pas s'exprimer sur ses sentiments. Et encore moins pour quelqu'un comme Ondine.

- Je t’attends chez Cassandre, fais attention à toi… Murmura tristement Sacha.

Ondine vacilla, tandis que son ami s’éloignait.

Non… Ne t’en vas pas… Reviens… Pensa-t-elle, perdue dans ses sentiments confus.

- Sacha… Non… Ne pars pas…

Le jeune homme s’interrompit, les poings serrés. Son cou s’était crispé et son souffle se faisait court. Il se retourna brutalement pour regarder Ondine avec des yeux remplis de colère et de larmes. Il n’y avait plus une goutte de douceur, plus une once de quoi ce soit. Simplement de la colère et des larmes.

- Mais qu’est-ce que tu veux à la fin ? Lui hurla-t-il à la figure. Tu n’as pas honte de jour avec moi comme ça ?
- Mais je, je suis désolée…
- Non ! Tes excuses, je n’en veux pas, j’en ai marre ! J’en ai marre que tu me manipules comme un pantin ! Tu ne sais pas ce que tu veux dans ta vie, j’ai bien compris ! Mais laisse-moi en dehors de ça, je n’en peux plus !
- Sacha, excuse-moi, je ne voulais pas… Mais j’ai juste peur et…
- Mais peur de quoi au juste ?! Haleta le jeune homme furieux en s’approchant dangereusement de son amie.
- Que… Que tu t’en ailles encore… Que tu disparaisses… Chuchota Ondine, en tentant de maintenir le contact visuel.
- Mais bon sang Ondine ! Mais je t’ai dit que je ne partais plus ! Ce jour là, dans le jardin de l’arène, tu m’as même dit que tu me donnais une seconde chance ! Elle est où la Ondine calme et gentille de ce jour-là ?!
- Je… Je… Sacha…
- Le problème, c’est que tu ne sais pas ce que tu veux dans ta vie, tu n’arrives pas à prendre de décisions, ajouta le dresseur, en tentant de maitriser sa colère.
- Je… Je ne sais plus quoi faire… Commença à dire Ondine, la voix tremblante, sentant les pleurs revenir. Je voudrais juste que…
- Que quoi Ondine ? Que quoi bon sang !? Mais dis-moi ! Et arrête de parler en énigmes ! Tu voudrais que je te dise que je t’aime c’est ça ? Mais c’est pas possible, ouvre les yeux ! Pourquoi est-ce que tu crois que je suis rentré ? A qui crois-tu que je pensais tout ce temps ?  Je te signale que contrairement à toi et à tes grands airs, je ne suis ni fiancé ni rien ! Des filles, je n’en ai connues aucune ! Aucune, tu m’entends ? Parce que toutes me faisait à toi comme de vulgaires copies !

Ondine sentit son cœur qui lui déchirait la poitrine. Sacha parlait très vite et elle avait du mal à assimiler tout ce qu’il disait. Elle ne sentait plus son corps et un grand vide avait remplacé son estomac. Elle était en train de chuter.

- Sacha…

Mais le jeune homme ne l’écoutait plus et continuait sa tirade.

- Alors, c’est ça que tu voulais entendre ? C’est ça !? Ça va t’aider à prendre une décision ?!  A arrêter de blesser tout le monde autour de toi et à prendre une putain de décision ? Je t’aime voila oui ! Et je peux te le redire encore et encore jusqu’à ce que ça rentre bien dans ta petite tête indécise ! Je t’aime !

Ondine resta bouche bée contre son arbre. S’il n’avait pas été là, elle serait tombée à la renverse depuis longtemps.
Complètement pétrifiée, elle regarda Sacha avec des grands yeux perdus qui brillaient dans le crépuscule, comme deux lumières blafardes.
Sacha se sentait impuissant, à découvert. Il avait l'impression d'être un insecte de passage, qui happé par ces lumières magnifiques, allait en périr, brûlé à vif.

- Quand tu me regardes comme ça, fit-il à voix basse, j’ai l’impression que je vais mourir.

Et le jeune homme partit définitivement, laissant Ondine et Psykokwak dans la forêt.

- Sonne ! Sonne !
- T’es sûre ? Il commence à faire nuit, ça m’étonnerait que la championne fasse un match avec moi à cette heure !
- On sait jamais ! Il parait qu’elle est très forte et n’hésite pas à se battre jusqu’à tard le soir !
- Oui, bon au pire, on ira au Centre Pokémon en attendant demain matin… Allez, je me lance !

L’adolescente, une jeune fille plutôt grande pour son âge avec une coupe à la garçonne, appuya timidement sur la sonnette de l’arène d’Azuria et entendit la sonnerie retentir à l’intérieur plusieurs fois. Pourtant, la porte restait tragiquement close devant les deux jeunes filles.

- Ça ne répond pas…
- Attends, pousse-toi, répondit son amie, une blonde aux cheveux bouclés, collant une oreille contre la porte. Mmmm… Je n’entends rien, étrange…
- Regarde, il n’y a aucune lumière en plus. Il est bizarre cet endroit, ça me donne la chair de poule !
- Viens avec moi, dis-moi si tu peux entendre quelque chose…

La seconde jeune fille vint se plaquer sur la porte avec son amie, mais celle-ci, très probablement mal fermée, s’ouvrit sous leurs poids combinés dans un grincement inattendu, dévoilant aux deux visiteuses le couloir de l’arène, dont on aurait dit qu’il avait été récemment ravagé par un ouragan improbable.

De nombreux objets cassés jonchaient le sol au milieu d’une multitude de feuilles blanches gribouillées et d’éclats d’ampoules brisées. Il n’y avait personne. Seul un silence oppressant régnait en maitre sur ces lieux déserts.

- Et bien… Qu’est-ce qu'il s’est passé ici…
- Je ne sais pas, murmura l’adolescente aux cheveux courts… Bonjour ! Il y a quelqu’un ? Cria-t-elle.

L'écho de sa demande se perdit dans le dédale des pièces qui constituaient l’arène. La jeune fille se baissa alors et prit une des feuilles, qu’elle lut à haute voix à son amie :

- Cher journal, quelle bêtise de t’écrire encore aujourd’hui… Je ne sais pas ce qu’il me prend, mais vois-tu, cette nuit encore j’ai rêvé de lui…
- Qu’est-ce que ce truc ? C’est un journal intime ? C’est trop cliché haha ! Plus mélodramatique que ça, tu meurs ! Ricana nerveusement son amie.
- Oui en tout cas, en attendant, tu ne devrais pas rire comme ça… Il s’est passé quelque chose ici…

La jeune fille blonde se renfrogna à cette remarque, quand tout à coup, on entendit un petit bruit qui venait lui de l’extérieur, plus loin dans les bosquets du jardin de l’arène.

- Tu as entendu ? Fit la brune, apeurée. C’était quoi ?
- Je… Je ne sais pas… Répondit la petite blonde, perdant instantanément toute sa légèreté.
- Viens, on va voir…
- Ça va pas ! Tu es folle ! Glapit la blonde, terrorisée.
- Au pire on a nos Pokémons pour nous défendre…

Les deux jeunes filles s’avancèrent donc à pas de loup jusqu’aux bosquets d’où s’élevaient de petits sons stridents. Elles ne purent faire un pas de plus qu’un Staross jaillit devant elles. Adoptant une position offensive, il pointa vers elles la branche qui lui servait pour son pistolet à eau.

- Attends ! Attends ! On ne te veut aucun mal ! Crièrent-elles à l’unisson, les mains en l’air.

Staross maintint sa posture quelques instants, comme pour juger du fait qu’elles aient effectivement des intentions pacifiques. Puis, il sembla aux deux jeunes filles que le Pokémon Aquatique s’affaissait, pour finir par se diriger tristement vers les buissons. Intriguées, les deux amies le suivirent. Quelle ne fut pas leur surprise de constater que derrière ceux-ci se trouvait une cachette improvisée où, serrés les uns contre les autres, tremblaient de nombreux Pokémons Eaux.

- Tu… Tu crois que ce sont les Pokémons de l’arène ?
- Je ne sais pas... Oui sûrement. J’appelle vite l’Agent Jenny, il faut les amener au Centre Pokémon ! Répondit la plus grande.

Elle s’éloigna doucement des Pokémons, que son amie tentait tant bien que mal de rassurer et de calmer, pour passer son appel téléphonique. Elle n’avait pas fait trois pas, que son pied percuta un objet dur, dissimulé par la pelouse qui n'avait visiblement pas été tondue depuis, sans doute, un bon bout de temps maintenant. Curieuse, elle se baissa et ramassa l'objet. C’était une pancarte en bois, sur laquelle on avait gravé ceci :

« L’arène d’Azuria sera fermée jusqu’à nouvel ordre, en raison de l’absence de la championne Ondine Williams »

Les mots « Ondine Williams » semblaient avoir été gravés plus fortement, plus profondément que les autres, et le « S » de « Williams » se terminait dans une rature violente.

- Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ici… Murmura la jeune fille dans la nuit.



Bien, bien loin de là, dans une forêt jouxtant la route 25, Ondine était à mille lieues de se douter que son arène se trouvait dans cet état et que ses Pokémons avaient subi un tel sort. Jude ne la contactait quasiment plus et c’est à peine si quand il le faisait, elle parvenait à lui décrocher un mot. De plus, Sacha et elle était actuellement beaucoup plus préoccupés par leur relation respective que part ce qu’il se passait sur Azuria.

En effet, à l'instant précis où, à Azuria, les deux dresseuses avaient fait leur étrange découverte, Sacha, les yeux fixant un point invisible, avançait dans la forêt d’un pas énervé, luttant pour retrouver une respiration calme.

Ça y-est… Pensait-il, je lui ai dit. Qu’est-ce qu’elle va en faire maintenant…

Dès qu'il sentait ses pensées s'égarer et que le visage d’Ondine commençait à se tracer dans son esprit fatigué, il secouait vigoureusement la tête, comme pour le chasser au loin.

Ce n’est plus mon problème, se répétait-il. Ce n’est plus mon problème. Je vais retrouver Pikachu…

- Hein ?

Un éclair vert et rapide venait de passer devant lui. Ce n’était pas le premier qu’il voyait et il l’aurait reconnu entre mille. Il s’agissait sans presque aucun doute d’un Insécateur. Cette vision le sortit de sa léthargie et le fit regarder plus attentivement autour de lui. La nuit était presque complètement tombée et il vit de petits yeux brillants ponctuer le chemin qui se déroulait sous ses pieds. Sacha frissonna, mais sa peur ne dura que quelques secondes.

- Je suis dans une forêt, elle doit grouiller de Pokémons Insectes, c’est normal… Soupira-t-il.  Des Pokémons insectes ? Mince, Ondine !

Le jeune dresseur resta pantois quelques instants.
Devait-il retourner sur ses pas et accompagner Ondine jusqu’à chez Cassandre ? Elle devait toujours avoir aussi peur des Pokémons insectes…
Non… Elle se débrouillerait toute seule. Il n’avait pas envie de la revoir.
Gonflé de fierté déplacée, Sacha continua alors son chemin, laissant Ondine à ses angoisses.

Ondine, pourtant, n’était pas très loin derrière son ami, mais avançait beaucoup plus lentement. Elle aussi avait bien remarqué tous ces yeux qui la dévisageaient et luttait pour continuer à mettre une jambe devant l’autre.

- Sales bestioles, râlait-elle… Je vous déteste… Restez loin de moi…
- Psyaieaieaie… Répondit son seul interlocuteur.
- Je sais Psykokwak ! Tu vas leur faire un Choc Mental pour tous les paralyser et pendant ce temps, on aura qu'à courir très vite jusqu’à chez cette fille là, Cassandre !

Psykokwak tourna son regard vide vers sa dresseuse en penchant la tête. Ondine, irritée, ne répondit que ceci :

- Laisse tomber… Je sais pas ce que j’espérais. Tiens, rentre dans ta Pokéball, tu dois être fatigué !

Psykokwak se laissa faire et Ondine soupira en remettant sa Pokéball dans son sac. Elle était toute seule à présent. Toute seule. Dans la nuit. Avec tous ces insectes de malheur ! Un nouveau frisson la parcourut, il fallait qu’elle se dépêche. Qu’est-ce qu’elle ferait s’ils se jetaient tous sur elle, avec leurs pattes gluantes et leurs ailes rêches ?
Cette pensée la dégouta et elle accéléra le pas.

- Allez Ondine, courage… Courage… Se répétait-elle.

Au fur et à mesure qu’elle avançait, la déclaration de Sacha résonnait de plus en plus fort dans sa tête. Elle se sentait rougir et ne parvenait plus à réfléchir correctement.

Qu’est-ce que je vais faire ? Se disait-elle. Moi aussi je…

La jeune dresseuse avait bien du mal à y croire, que Sacha soit amoureux d’elle, mais il avait été sincère, elle en était certaine. Elle le connaissait bien après tout, et il n’avait pas vraiment changé durant toutes ses années…
Terriblement gênée, Ondine essayait alors d’imaginer, elle et lui, en train de…

Oh non c’est pas possible ! Se disait-elle.

Et… s’embrasser ? Cette pensée lui brûla les joues.

- J’ai honte… Soupira-t-elle dans le silence des bois. Il faut vraiment que je prenne une décision. Sacha a raison, je blesse tout le monde autour de moi…

La jolie rousse sortit son téléphone portable de sa poche.
"Aucun nouveau message"

Je suis maudite… Pensa-t-elle.

- Ondine ?

La jeune femme releva la tête. Sans s’en rendre compte, elle était arrivée jusqu’au portillon devant la maison de Cassandre, qui, accroupie dans les plantations de son jardin, cueillait quelques herbes.

- Ondine ? Tout va bien ? Sacha m’a dit que tu t’étais sentie mal et que tu étais allée prendre l’air, répéta la jolie brune.
- Euh… Oui ça va mieux… Balbutia Ondine.

Forcément, Sacha ne lui avait pas dit la vérité. Tant mieux, car sinon elle n’aurait pas pu regarder Cassandre en face.

- Tu veux… que je t’aide ? Chuchota Ondine, qui tentait de rattraper sa conduite misérable.
- Si tu veux, lui répondit la jeune femme en souriant joyeusement.

Ondine s’accroupit donc aux côtés de Cassandre qui lui expliqua qu’elle était en train de cueillir à la fois des plantes pour concocter une nouvelle potion à Jessie, mais aussi divers légumes dont elle avait prévu de faire une soupe pour le repas du soir.

- Une soupe, c’est pratique, je peux en faire en grande quantité, continua à expliquer Cassandre.

Ondine soupira. Sa honte s'était décuplée. Cassandre était encore plus adorable qu’elle l’imaginait. Comment pouvait-elle nourrir de la rancœur envers elle ?

- Tu sais Ondine… Commença celle-ci.
- Mmm… oui ?
- Tu as de la chance d’avoir quelqu’un comme Sacha, répondit Cassandre, esquissant un sourire mélancolique.
- Je… Je sais… Tarda à répondre Ondine, les yeux dans le vague.

Leur cueillette terminée, les deux jeunes femmes rentrèrent dans la maison. Tout le monde, hormis Jessie qui ne pouvait toujours pas se lever et le grand-père qui était déjà couché, c’était assis autour de la grande table du salon, grignotant quelques graines en attendant le repas.
Quand il les vit entrer, Sacha détourna le regard et Ondine fit de même.

La championne d’Azuria s’apprêta à prendre, elle aussi, place à table, tandis que Robin se dirigeait vers la cuisine avec Cassandre pour l’aider à faire à manger.

Tout à coup, un grand coup résonna sur la porte d’entrée, suivit d’un autre, puis d’un autre. Une grosse voix furieuse s’éleva :

- Cassandre ! Ouvre ! On veut te parler !