L'Alakazam qui ne voyait pas [Aventure/AAML] TERMINEE

- Sacha, éloigne-toi !

Accompagnant le geste à la parole, Ondine passa ses bras autour de la taille de son ami et ils reculèrent de quelques pas.

- Tu es fou ! Tu voulais tomber ou quoi ! S’énerva la jeune femme, les larmes aux yeux.
- Je suis désolé, murmura Sacha… Qu’est-ce…

La terre sous ses pieds s’était mise à trembler violemment. Cela n’annonçait rien qui vaille.

- Pika ? Fit Pikachu sur l’épaule de son dresseur, humant l’air autour de lui.
- Ondine ! Cours ! Viens ! Vite ! Cria le jeune dresseur.
- Quoi ?!

Elle n’eut pas le temps de comprendre ce qu’il se passait que déjà Sacha lui avait pris la main et l’entrainait avec elle loin de l’entrée du tunnel. Bien qu’épuisés, les deux amis réussirent à faire quelques mètres, mais leur course fut stoppée par une violente explosion dont le souffle les fit tomber à terre. Au milieu des nuages de poussière, Sacha leva difficilement la tête et il lui sembla voir un hélicoptère sombre qui disparaissait au loin à l’horizon.

- Pikachu… Ça va ? Articula-t-il laborieusement, de la poussière dans la bouche.
- Pika Pika…
- Ondine ?
- Je vais bien…

Sacha aida son amie à se relever et les deux dresseurs regardèrent autour d’eux. Il ne restait sur l’île que les Pokémons qui n’avaient pas pu s’enfuir, que ce soit par la voix des airs ou des eaux. Malins, ils s’étaient tous réunis sur les côtes de l’île, sûrement conscients qu’il n’y en avait plus pour très longtemps avant que la cachète secrète de la Team Rocket explose ainsi. Quant-aux membres de l’organisation malfaitrice, ils avaient tous disparu.

L’entrée du tunnel était complètement bouchée, obstruée par de nombreux débris. Le jeune homme pensa au Pokémon qui avait dû rester coincé à l’intérieur et son cœur se serra. Il sentit alors la main d’Ondine se glisser dans la sienne. Il entremêla ses doigts doucement aux siens et déglutit lentement. C’était fini. Ils avaient retrouvés leurs Pokémons et étaient sains et saufs.

Puis, brusquement, une évidence le frappa de plein fouet et il tourna de grands yeux horrifiés vers Ondine qui, vu son expression, devait penser à la même chose que lui.

La main de Sacha se sépara de celle de son amie, mais il n’eut pas le temps de courir vers le tunnel qu’Ondine le saisit par le bras.

- Sacha ! Arrête ! Ça ne sert à rien !  
- On ne peut pas les abandonner ! Sanglota le jeune homme dans cri déchirant.
- Écoute, Morgane a plus d’un tour dans son sac, je suis certaine qu’elle s’en est sortie et qu’elle se manifestera quand on s’y attendra le moins !
- Et James… ?
- Je…

Sacha baissa la tête, marmonna d’un ton froid quelque chose de parfaitement incompréhensible et partit en direction de la côte de l’île, à quelques pas. Les Pokémons s’éloignèrent à son approche et lui firent une place pour qu’il puisse s’assoir sur un rocher. Le soleil s’était levé et il flottait dans l’air une ambiance calme et sereine, comme si l’univers n’avait pas pris conscience des derniers évènements qui venaient de chambouler leur petit monde. A l’échelle humaine, il ne s’était presque rien passé après-tout.

Amer, Sacha renfonça sa casquette sur sa tête et Pikachu se frotta contre sa joue.

- Heureusement que tu es là Pikachu… J’aurais tout fait pour te retrouver tu sais…
- Pika ! Répondit son ami en souriant et en levant les bras.
- ... Tu crois qu’ils sont morts ?

Le sourire de Pikachu s’estompa et lui aussi plongea son regard dans les eaux tranquilles.

Sacha ne parvenait pas à reprendre sa respiration. Une sensation oppressante lui compressait la poitrine. Certes, lui et Ondines s’en étaient sortis, mais que faire maintenant ? Comment allaient-ils aider tous ces Pokémons à rentrer chez eux ? Et Morgane ? Et James ? L'air marin lui caressait le visage, il fallait qu'il reprenne ses esprits, qu'il réfléchisse.

- Pika Pika ! Pikachu !
- Que se passe-t-il Pikachu ?

Sacha plissa les yeux. Il lui semblait voir venir quelque chose, et il entendait un bruit bien familier.

- Ondine ! Cria-t-il soudain, des papillons dans le ventre, à son amie, qui, voulant laisser à Sacha un peu d’espace, rassurait un Pokémon non loin de l’endroit où il était assis.
- Que se passe-t-il ? Répondit la jeune femme en continuant à caresser le beau Feunard.
- C’est un bateau ! Non il y en plusieurs ! Renchérit le jeune homme qui s’était redressé. Ohé ! Nous sommes là ! Continua-t-il en agitant les bras en direction du large.
- Non ? Vraiment ? Tu crois que Robin a réussi à appeler des secours ?

Et effectivement quelques minutes plus tard, accostaient sur l’île d’innombrables  bateaux et canoës de sauvetages. Plusieurs Agents Jenny et infirmières Joëlle en sortirent.

Les minutes qui suivirent passèrent extrêmement vite et Ondine et Sacha, encore sous le choc, ne comprirent pas trop ce qui leur arrivait. En moins de deux, les deux amis se retrouvèrent assis dans un canoë orange, enroulés, malgré la température plutôt douce, dans de larges couvertures. Une agent Jenny resta avec eux, pendant que plusieurs autres, soutenus par de nombreux soldats, partirent explorer l’île. Elle demanda d'une voix douce à Sacha et Ondine de leur raconter ce qu’il s’était passé, ce qu’ils firent, pendant qu'elle notait tout dans son carnet.

Pendant ce temps, plusieurs Infirmières Joëlle cajolaient les Pokémons de l’île et les convainquait de bien vouloir rentrer dans une Pokéball pour le transport sur le continent.

- Rien à signaler ! Fit alors une Agent Jenny partie en exploration, en arrivant à leur rencontre. Tout à explosé ! Le tunnel est refermé et l'accès impossible. Peu importe ce qu’il s’est passé, s’en ai fini de cet Alakazam et de ce Giovanni.
- Malheureusement, à mon avis, ce n’était pas leur seule cachète, soupira l’Agent Jenny restée avec les deux jeunes dresseurs. Mais bon, si Giovanni est hors circuit, c’est déjà pas mal.

Sacha grimaça en se rappelant de l’hélicoptère qu’il avait vu s’envoler au loin. Peut-être avait-il rêvé ? L’Agent Jenny ne comprit pas son expression.

- Sacha… Je sais que c’est une perte énorme pour les gens qui ont disparu, mais estimez-vous heureux d’être vivants…

Sacha acquiesça et ne dit plus rien.  Une agent Jenny murmura alors à l’autre :

- Mais, ils n’étaient pas censés être quatre ?
- Chut… Chut… Je sais…
- Tu crois que ?
- Je n’en sais rien, en tout cas, il n’y a qu’eux ici.

Le temps passa ensuite nonchalamment, comme s’il n’accordait aucune importance à ce qu’il se passait, et bientôt Sacha et Ondine virent leur canoë s’éloigner de l’île qui leur avait apporté tant de malheur. Le jeune homme avait incroyablement chaud sous sa couverture, mais l’enlever représentait un effort trop important. Ondine appuya sa tête contre son épaule et Sacha sa tête sur la sienne. Il lui embrassa le front délicatement.

- Tout ira bien… Chuchota-t-il.

Sur les côtes de la route 25 se tenait une foule incroyable de journalistes et de gens venus de partout. Quand Délia Ketchum vit Sacha sortir du canoë, elle se jeta sur son fils en pleurant.

- Sacha ! Mon chéri ! Tu m’as tellement manqué ! J’ai eu si peur ! Pleurnicha-t-elle.
- Je vais bien maman…
- Ondine… Ça fait tellement longtemps que je ne t’avais pas vu !

Ondine sourit, mais son regard fut attiré par autre chose. Robin qui courait vers eux.

- Les amis ! Vous êtes en vie ! Vous avez réussi à les arrêter hein ? Demanda-t-il.
- Oui… Murmura Sacha, en gardant les yeux rivés sur le sol.
- Vous êtes les meilleurs, j’avais une parfaite confiance en vous !

Les yeux de Robin papillonnaient de droite à gauche.

- Où est Morgane ? Fit-il alors, surpris.
- On ne sait pas, répondit Sacha, mal à l'aise.
- Comment ça ? Répondit Robin, qui commençait à pâlir.
- Je suis persuadés que c’est elle qui nous a tous sauvés et sortis de là… Mais elle a disparu. On ne l’a pas vu depuis hier.

Tout d'abord, Robin ne répondit pas, puis, il se força à sourire :

- Oh vous savez, elle a plus d’une corde à son arc ! Elle réapparaitra bien ! Ce ne serait pas la première fois.

La voix du mari de la championne de Safrania tremblait légèrement, mais pour lui, il était simplement inconcevable que sa femme ait bel et bien disparu.

- Et Elli ? Demanda alors Ondine, en regrettant presque immédiatement sa question.
- Il va s’en sortir, répondit pourtant Robin. Comme les lignes remarchent, j’ai reçu un appel du centre Pokémon qui s’occupe de lui. Tout ira bien.
- Ouf… Tant mieux alors, sourit timidement la jeune fille.
- Oui…

L’agitation se prolongea encore de longues heures, Sacha et Ondine se faisant questionner sans arrêt. Au bout d’un certain laps de temps, une jeune femme aux longs cheveux bruns qui avait dû les voir à la télévision, se fraya un chemin parmi la foule.

- Sacha ! Ondine !

Cassandre embrassa ses amis et les serra dans ses bras à tour de rôle.

- Je suis si heureuse de vous revoir ! James n’est pas avec vous ? Et la drôle de dame ?

Au vu du silence pesant qu’elle eut pour réponse, elle ne chercha pas à en savoir davantage.

- Jessie est partie aussi, finit-elle par dire d'une petite voix.
- Hein ? Réagirent Sacha et Ondine à l’unisson.
- Oui, je suis rentrée dans la chambre avant de partir pour lui annoncer la bonne nouvelle. Elle s’était réveillée quelques heures avant, mais il n’y avait plus personne.
- Ce n’est pas ta faute… Lui dit Ondine en lui mettant une main sur l’épaule.

C’est au milieu de l’après-midi, quand la foule se fut dispersée, que les journalistes repus furent repartis, que les choses se calmèrent enfin. Sacha et Ondine firent leur au-revoir à Cassandre, en la remerciant pour tout ce qu’elle avait fait pour eux, et en lui promettant de venir la voir bientôt.

Quand elle fut partie, ils montèrent dans une camionnette conduite par le Professeur Chen, avec la maman de Sacha et Robin, qu’ils devaient vite déposer à Safrania au cas où Morgane, par un miracle quelconque, y soit déjà.

- Vous êtes prêts à rentrer à la maison les enfants ? Leur dit-elle d’une voix douce.
- Oui… Chuchota Sacha, las.
- Ondine, tu rentres avec nous ?
- Et bien...
- De toute façon, c’est hors de question de te laisser seule à l'arène d'Azuria, elle est encore en réparation tu sais !
- Ah bon, en réparation ? Pourquoi ? Répondit Ondine, étonnée.
- Enfin ! Tu ne regardes pas la télévision ? Elle a été complètement saccagée, fit Délia Ketchum. Je crois que ce sont tes sœurs qui la réparent en ce moment. Oh ma puce, réalisa alors la maman de Sacha qui venait de comprendre qu'il n'y avait eu aucun moyen pour Ondine d'apprendre la nouvelle, je suis désolée, tu ne devais pas savoir...

Le visage de Jude traversa l’esprit de la jeune femme. Elle n’était pas si surprise, simplement dégoutée. Une rancœur terrible lui agitait l'estomac, dire qu'il avait posé ses mains sur elle... Touchée... Quelle horreur...

- Alors dans ce cas, je veux bien rentrer avec vous au Bourg Palette, balbutia-t-elle.
- Ne t’inquiète pas, la rassura Délia, tu es chez toi chez nous !
- Je ne resterai que quelques jours…
- Ne t’en fais pour ça, et je suis certaine que ça fera très plaisir à Sacha que tu restes, n’est-ce pas mon chéri ?
- Eu ben oui bien sûr… Fit Sacha, en rougissant légèrement.
- Tu lui as beaucoup manqué tu sais, il parlait souvent de toi quand il m’appelait et…
- Maman ! S’exclama Sacha, tandis qu’Ondine ouvrait des yeux ronds.
- Bon, bon, je me tais. Mais je si contente de vous retrouver !

La suite de la route se déroula dans le calme. Sacha s’était endormi, bercé par le bruit du moteur de la camionnette et Ondine regardait par la fenêtre en caressant Pikachu. Tout à coup, le véhicule freina brusquement et Sacha se réveilla en sursaut.

- Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe encore ? Scanda-t-il.
- Pi ?
- C’est le Abra de Morgane ! C’est le Abra de Morgane ! Répétait sans cesse Robin, qui s’était détaché et collé au pare brise pour voir ce qui leur bloquait la route.

Tout le monde sortit alors en vitesse de la camionnette et Robin courut vers Abra qui eut à peine la force de venir se loger dans tes bras.

- Et bien Abra… J’étais certain que tu nous retrouverais… Chuchota Robin, tandis que les autres le rejoignaient. Tu sais où est Morgane, n’est-ce pas, elle est déjà à l’arène ?

Les yeux d’Abra se mirent alors à briller d’une lumière douce.

- Mon chéri, raisonna une voix familière autour du petit groupe.
- Morgane ?! Paniqua Robin, déposant Abra sur le sol et tournant sur lui-même pour regarder autour de lui. C’est toi ? Où es-tu ma chérie ?!
- Je suis là mon amour… Raisonna à nouveau la voix de Morgane comme si elle était partout à la fois.

Robin continua à faire des tours sur lui-même jusqu’à chanceler sur ses jambes et son regard retomba sur Abra et ses yeux luisants.

- Je suis là, répéta Morgane. Approche-toi.

Comme hypnotisé, Robin s’approcha à nouveau d’Abra et le repris dans ses bras.

- Voila… Ainsi, c’est parfait… Murmura la voix fantomatique de la championne de Safrania.
- Mais… Je ne comprends pas… Commença à dire Robin d’une voix brisée.
- Je voulais te laisser avant un message avant de partir...

L'écho de sa voix se répercutait sur les arbres en triste et belle mélodie.

- Comment ça partir ? S’exclama Robin, d’un ton qu’il ne maitrisait plus.
- Je dois partir mon amour, ce monde n’est plus le mien… Je…
- Chut ! Arrête ! Ne dis plus rien ! S’énerva Robin désespérément. Tu vas revenir tout de suite ! Peu importe où tu es !
- Laisse-moi parler mon amour… Je n’aurai bientôt plus assez d’énergie pour le faire…
- Mais…
- C’était la seule solution... Mais je voulais te dire au-revoir... Je... Je voulais te dire à quel point te rencontrer et t’aimer ont été les meilleures choses qu’il me soit arrivées ici.
- Arrête… Sanglota Robin en regardant au hasard autour de lui. Ne dis pas ça… Tu es à l’arène c’est ça ? Si c’est une plaisanterie, ce n’est pas drôle, tu vas trop loin cette fois-ci !
- Mon chéri… Prends-bien soin de mon arène et de mes Pokémons, tu seras un merveilleux champion.
- Morgane…
- Je vais bientôt partir… Quand Abra se réveillera, il est possible qu’il ne se souvienne de rien. Il a dépensé trop d’énergie dans cette aventure, mais surtout, même s’il devient inutile, promets-moi de le garder, ne l’abandonne jamais… Ne fais pas comme moi...
- Je… Je te le promets… Sanglota Robin.
- Mon chéri… Sèche tes larmes, je serais heureuse là où je vais, et peut-être qu’un jour, tu viendras me voir.
- Comment ? Dis-moi comment ?!
- Je ne t’oublierai jamais…
- Morgane ! Réponds-moi !
- Je t’aime.
- Morgane !

Les yeux d’Abra revinrent alors à la normale et le petit Pokémon sauta des bras de Robin pour s’asseoir par terre et regarder d’un air interrogatif ce qui l’entourait.
Robin s’écroula à genoux sur le sol et pleura toutes les larmes de son corps. Sa respiration entrecoupée de hoquets, il était incapable de prononcer un mot.

Sacha, qui avait essuyé ses larmes en silence, et le Professeur Chen, eurent beaucoup de mal à le relever et le rasseoir dans la camionnette. Ils insistèrent tout le trajet pour qu’il vienne au Bourg Palette avec eux, mais celui-ci refusa et ils le déposèrent finalement au Centre Pokémon qui s'occupait d'Elli. Ils le virent s'éloigner et passer les portes du centre, maladroit sur ses jambes, le sac de Pokéballs de Morgane serré contre sa poitrine. Il ne se retourna pas pour leur dire au-revoir.

La fin du trajet fut teintée d’une atmosphère étrange.

Malgrè les évènements, le Pr. Chen essayait de rester concentré pour bien conduire. La maman de Sacha, quant-à-elle, bien que bouleversée par la mort de Morgane, était si heureuse de retrouver son fils qu’elle ne parvenait pas trop à réaliser tout ce que lui et ses amis avait enduré. Ondine s’était endormie, et Sacha était partagée entre un sentiment particuliers de vide, de paix intérieure et d’amertume.

Son regard se posa sur la jeune femme qu'il avait retrouvée, dont la poitrine se soulevait régulièrement, et il sourit.
Ils s’en étaient sortis.
Il ne fallait plus qu’il pense au reste.
Il garderait le souvenir précieux de Morgane dans son cœur.
Elle les avait tous sauvés après tout.
Et puis, elle avait toujours détesté que l'on apitoie sur son sort.
Il fallait qu'il respecte cela.

Perdu dans ses pensées, Sacha finit par s’endormir à son tour. Ses paupières s’ouvraient de temps à autre dans le silence de la camionnette. La dernière fois qu’il les ouvrit, il vit les premières maisons du Bourg Palette se dresser devant lui dans la lumière faible des réverbères.
Le ventre de Pikachu et le sien commençaient à gargouiller.
Une allégresse nouvelle se déversa alors dans son cœur.
Tout ira bien, se dit-il.

Il devait être aux alentours de 15h quand Sacha ouvrit difficilement les yeux. Il balaya d’un regard sa chambre d’enfant qui n’avait pas tant changé depuis le premier jour de son aventure, ce fameux jour où il avait enfin pu poser des mots sur son rêve, devenir Maitre Pokémon. Et bien devenir Maitre Pokémon était chose faite, et se lever, encore une autre à faire. Pourtant, le ventre du jeune homme hurlait famine. En effet, à peine étaient-ils arrivés au Bourg Palette, que sa mère l’avait fait monter dans sa chambre pour se reposer. Il ne savait pas où était Ondine… Sûrement dans la chambre d’ami…

Encore tout habillé de la veille, Sacha se tourna sur le dos. Pikachu dormait toujours, roulé en boule sur un coussin à quelques centimètres de sa tête. Sacha approcha doucement sa main et caressa le pelage rayonnant de son ami, qui soupira de plaisir, mais ne se réveilla pas. Sacha passa alors les bras derrière sa nuque et soupira longuement, laissant ses yeux trainer sur le plafond qui semblait étinceler dans la lumière du jour.

Bien qu’il ne l’ait que très peu connue, il se sentait triste pour Morgane qu’il ne reverrait sans doute jamais. Son sens du sacrifice lui avait ouvert les yeux sur des possibilités qu’ils n’auraient jamais imaginées et le monde lui apparaissait désormais sous un angle nouveau. Le jeune dresseur réalisait en effet, que malgré son rêve premier accompli, il lui restait encore beaucoup de choses à apprendre.

Il espérait également que Robin s’en sortirait… Allait-il reprendre l’arène ? Et Jessie et James… Étaient-ils toujours en vie ? Et si oui, qu’allaient-ils devenir ? Les reverrait-il ? Une partie de lui soufflait que oui. Ces deux-là, ils étaient éternel de toutes façon. N’est-ce pas ?
Mais dans le calme de la chambre, personne ne répondit à ses questions silencieuses.

Sacha rêva ainsi de longues minutes, le plafond blanc qui lui faisait face devenant théâtre de son imagination. Il y vit ses combats, ses aventures, ses amis… Cette nuit où Ondine et lui avait dormi à la belle étoile, dans les bras l’un de l’autre... C’était il n'y a pas si longtemps de cela, et pourtant, on dirait qu’une éternité s’était écoulée depuis.
Ondine… Sacha rougit légèrement et se lova en boule sur le côté, les yeux rivés sur Pikachu.

- Et bien Pikachu, si tu voyais dans quel état elle me met… Tu te moquerais bien de moi… Chuchota-t-il.

Mais le jeune homme ne savait plus très bien comment avancer dans cette relation nouvelle qu’il avait construite avec la dresseuse de Pokémons Aquatiques, notamment depuis les révélations faites sur son fiancé Jude et tout ce qu’il s’était passé dans le repaire de la Team Rocket.
Cette relation qui oscillait entre amour et amitié…

Cette fois-ci, Sacha roula sur le ventre et enfouit sa tête dans son oreiller, réchauffé par un rayon lumineux qui y tombait en son milieu.

- Qu’est-ce que je vais dire maintenant… Je suis nul en romantisme… Marmonna-t-il.
- Sacha !
- Voila que j’entends des voix…
- Sacha ! C’est maman ! Tu ne veux pas manger ? Tu es encore fatigué ? Je te laisses te reposer encore si tu veux… Mon chéri ? Réponds-moi !

Un sourire se dessina sur le visage du dresseur de Pokémons. Avec ces simples mots, sa mère venait de lui faire faire un voyage de plusieurs années en arrière.

- Sacha ! Insista Délia, inquiète.
- Pardon maman ! J’aimerais dormir encore un peu ! Finit par dire le jeune homme à travers la porte.
- D’accord ! Bien sûr mon chéri ! Descends dès que tu te sens mieux ! On ne parlera pas de ce qui s’est passé là-bas, c’est promis !
- Merci maman !

Sacha entendit le bruit des pas de sa mère qui descendait l’escalier. En réalité, il mourrait de faim et n’avait plus du tout envie de dormir, mais trop de questions se bousculaient dans son esprit et un peu de solitude était bienvenue pour essayer de faire le point sur ses sentiments.

Malheureusement, le jeune homme ne put pas profiter de son moment de quiétude bien longtemps. En effet, alors qu’il s’appliquait à compter le nombre exact de petit Bulbizzares qui ornaient son oreiller, un bruit intense vint percuter sa fenêtre. Surpris, en quelques secondes à peine, Sacha se retrouva assis sur son lit, puis, debout devant la vitre, sur laquelle un impressionnant jet d’eau s’abattait.
Quand celui-ci s’arrêta, Sacha ouvrit sa fenêtre trempée en se demandant ce qu’il pouvait bien se passer.
Décidément, on ne voulait pas le laisser tranquille !

- Sacha ! Ah ben enfin ! Tu es debout ! Cria une voix familière.
- Ondine ! Mais qu’est-ce que tu fais ? Répondit Sacha en baillant.
- Oh rien d’exceptionnel ! Stari m’aidait simplement à réveiller une certaine personne !
- Et tu ne penses pas que si cette personne dormait, c’est qu’elle était fatiguée ?! Fit semblant de s’offusquer Sacha.

Le jeune homme, sous sa carapace hautaine, sourit intérieurement. Il fallait que quelqu’un lui rappelle comment il pouvait éprouver de tels sentiments pour cette fille farfelue.

- Tu as assez dormi ! Regarde comme il fait beau dehors ! Viens me rejoindre !
- Mais je…

Sacha n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’il se retrouva trempé à son tour, le corps ruisselant sur son parquet en bois. En bas, dans le jardin ensoleillé, Ondine riait comme une enfant de sa bonne blague.

- Toi ! Tu vas voir ce que tu vas voir ! Cria Sacha, les mains agrippées à la bordure de la fenêtre.
- Je t’attends !

Sacha s’apprêta à sortir de sa chambre quand il se rendit compte qu’il avait oublié sa casquette fétiche. Il revint en arrière et, passant devant le miroir, il se dit que quitte à être mouillé, une bonne douche et des vêtements propres ne lui feraient pas de mal.

- Dors bien Pikachu, chuchota Sacha à l’oreille de son meilleur ami.
- Pi… Ka ? Fit Pikachu en ouvrant un œil.
- Ne t’inquiètes pas, tu peux te reposer maintenant... Moi je vais aller faire des trucs… Des trucs d’homme !
- Pika… Répondit la souris électrique d’un air un peu blasé.

Sacha fit donc un bref arrêt à la salle de main, puis descendit au jardin.

- Sacha ! Mon chéri, tu es debout ! Tu veux man...
- Plus tard maman ! Il faut que je fasse quelque chose !

Délia esquissa un sourire mélancolique quand elle vit son fils passer la porte d’entrée. Il avait bien grandi… Mais certaines choses ne changeraient jamais.

Arrivé à l’extérieur, Sacha remarqua immédiatement un petit Aspicot qui se  prélassait au soleil. Furtivement, il le prit dans ses mains.

- Non non ! Ne te débats pas ! Je te relâche dans deux minutes, c’est promis ! Il faut juste que tu m’aides pour un truc.

Le Pokémon insecte pencha la tête sur le côté, et, curieux, se laissa faire. A pas de loup, le jeune dresseur se rapprocha du fond du jardin où il voyait Ondine de dos, accroupi devant quelque chose qu’il ne distinguait pas. Il se voyait déjà lui poser l’Aspicot sur l’épaule pour se venger. Mais son élan fut stoppé quand, presque arrivée au niveau de la jeune femme, il vit ce devant quoi elle se trouvait. Discrètement, il relâcha le petit Pokémon qui retourna à sa place au soleil, ne comprenant décidément pas à quoi il avait participé.

- C’est beau… Murmura alors Sacha.
- Merci, répondit Ondine en se tournant vers lui tout sourire.

Elle avait du prendre une douche elle aussi. Ses cheveux roux brillaient dans la lumière éclatante de l’après-midi et encadraient merveilleusement bien son joli visage. Ses vêtements avaient l’air encore humide et elle sentait aussi bon que les fleurs autour d’elle. Sacha était complètement sous le charme. Elle était toujours aussi belle qu’au premier jour où il l’avait rencontré et volé son vélo, sauf qu’aujourd’hui, il le réalisait pleinement.

- Tu… Tu es très belle comme ça… Enfin… Tes cheveux… Comme ça quand ils sont propres, c’est bien, ça fait bien… E fait c’est la lumière je crois que…
- Merci Sacha, le coupa Ondine en riant.

Sacha se passa le bras derrière la tête, il avait bien conscience qu’il racontait n’importe quoi. Son regard retomba alors sur le petit hôtel qu’Ondine avait minutieusement fabriqué au fond du jardin à l’aide de pierres, de branchages et de photos qu’elle avait du trouver sur internet. Une représentait James quand il n’était encore qu’un enfant, la photo ressemblant beaucoup à celle d’un album de classe. Et l’autre, plus actuelle, Morgane devant son arène.

- Je pense qu’ils ne voudraient pas que l’on soit triste, murmura Ondine d’une voix chaude. Tu ne crois pas ? Sinon, ce qu’ils ont fait ne sert à rien.
- Si… Tu as raison… Approuva Sacha.
- Pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’être chamboulée quand j’y pense… Soupira la jeune femme.
- C’est normal, ça prouve que tu es humaine…

Inconsciemment, Sacha glissa sa main contre celle d’Ondine et la prit dans la sienne. La jeune femme ne la retira pas.

- Sauf quand tu me lances de l’eau dessus bien sûr… Ajouta Sacha sur un ton cynique.
- Tu devrais me remercier, si je n’avais pas été là, tu serais toujours dans ton lit !
- Mais j’étais très bien dans mon lit figure-toi !
- Moi aussi ! Mais on ne peut pas laisser ta mère seule toute la journée.
- Seule ? Le Professeur Chen est parti ?
- Oui, il nous a juste déposés hier, tu ne t’en souviens plus ?
- Non… J’étais trop fatigué.
- Pikachu dort encore ?
- Oui.
- Dis donc, quel feignant... Il est toujours comme son maitre celui-là !
- Hein ? Ben merci ! Se vexa Sacha.
- Haha je plaisante ! Stari reviens !

La jeune dresseuse rappela son Pokémon Aquatique dans sa Pokéball, tandis que Sacha jetait un regard rapide à leurs doigts toujours entrelacés. A les entendre parler, on aurait dit qu’ils étaient amis comme avant, et pourtant ils se tenaient la main et, il n’y a pas si longtemps, se prononçaient des mots d’amour qui rien qu’à y penser, firent frémir le jeune homme.

Malheureusement, cette nuit là, Ondine n’avait rien pu promettre, et n’avait pas non plus pu répondre à ses avances, car elle était toujours en couple. Peut-être que c’était encore trop tôt pour elle…
Sacha eut soudain peur que cette situation ne devienne qu’une amitié compliquée de plus sur Terre.

- On devrait aller rejoindre ta mère et manger avec elle non ? En plus, tout à l’heure, elle m’a dit qu’elle avait quelque chose à nous annoncer !
- Ah bon ? Quoi donc ? Fit Sacha, brutalement sorti de ses pensées.
- Si je le savais, je te le dirai, répondit Ondine en accompagnant ses paroles d’un clin d’œil.
- Non vraiment ? Fit Sacha, d’un ton narquois.
- Quoi que… Commença à dire Ondine.
- Et on y va comme ça ? Renchérit le jeune dresseur en levant légèrement sa main, toujours dans celle de la jeune femme.
- Oh !

Ondine rougit légèrement et lâcha la main de Sacha.

- Pa... Pardon… Bégaya-t-elle, je ne me suis pas rendu compte.
- Non non… C‘est moi… Bon et ben allons-y alors.
- Où ?
- Voir ma mère…
- Ah oui ! Ta mère ! Bien sûr ! Ah ! Désolée ! Je suis un peu perturbée !

Ondine se retourna et fit quelques pas en direction de la porte d’entrée de la maison des Ketchum, tandis que Sacha trainait en retrait, comptant presque les brins d’herbe, se disant que finalement, être un brin d’herbe ce n’était pas si mal… Dormir au soleil, sans soucis. Non, il n’aimerait pas se faire marcher dessus comme cela… Il pourrait être un arbre et…

- Sacha ?

Le jeune homme releva la tête et ses yeux tombèrent instantanément dans ceux d’Ondine, aussi clairs que le ciel de cette belle journée.

- Tu traines…
- Ah bon...
- Oui…
- Dis...
- Mmm ?

Ondine s’approcha de Sacha, lui souleva légèrement sa casquette et posa délicatement ses lèvres au coin de sa bouche. Un grand frisson parcourut la colonne vertébrale du jeune homme tandis qu’Ondine se retirait déjà.

C’était quoi ça ? Se demanda-t-il.

Complètement confus, Sacha prit un faux air de tombeur et lui dit :

- Tu sais, si tu voulais m’embrasser tu pouv…
- Sacha, tout à l’heure, il faudra qu’on parle.
- Hein ?
- Toi et moi. Qu’on parle. De nous, tu sais...

Sacha, paralysé, ne savait pas trop quoi répondre à cela.

- Tu veux toujours que…
- Oui ! Coupa Sacha qui s’en voulut aussitôt.

Mais qu’est-ce que je suis nul… Se dit-il.
Ondine ne sembla pas s’en formaliser et soupira doucement.

- Ouf, tu m’as fait peur. Bon, allons voir ta mère, elle nous attend !
- Eu... D’accord !

Et le jeune dresseur suivit son amie qui s’éloignait déjà à nouveau. Son cœur battait la chamade et ses mains étaient bien moites, pourtant, il savait que ce n’était pas la chaleur de cette belle journée d’été qui en était responsable.

James se réveilla en sursaut et regarda autour de lui comme un animal en danger.
Où suis-je ? Se demanda-t-il.
A ses côtés,  s’étendaient à perte de vue de grands arbres, émergeant dans un ciel paisible et sans nuage. L’air était chaud et le soleil, déjà haut, rayonnait joyeusement.

James était assis contre un arbre, il pouvait d’ailleurs en sentir l’écorce à travers son T-shirt élimé. Sa main était posée sur un lourd sac.
Mon trésor… Pensa James, les idées encore un peu vagues.

L’ancien membre de la Team Rocket se leva non sans mal et fit quelque pas, quand il vit une patte bleue sortir d’un buisson. Vite, il courut vers celle-ci et extirpa Qulbutoké des branchages. Le pauvre Pokémon était complètement sonné, mais il semblait malgré tout en bonne santé.

- Qulbutoké ? Qulbutoké ? Tu m’entends ? Dit-il en secouant délicatement son ami retrouvé.
- Toké…
- Ouf… Tu m’as fait peur… Mais où est Abra ? Continua James, perplexe, en regardant aux alentours.

James haussa les épaules, défaitiste. Abra avait déjà du repartir rejoindre les autres. C’est dommage, il aurait aimé le remercier…  James réfléchit, cette forêt lui semblait étrangement familière. Il aurait été logique après tout qu’Abra les dépose non loin de la route 25, surtout s’il voulait retrouver ses amis ensuite.

L’homme aux cheveux bleus sentit une bouffée d’orgueil déplacé l’envahir. Qui aurait cru que lui, James, moins que rien attitré, arriverait un jour à se localiser. Mais son moment de gloire silencieuse ne dura que quelques secondes. Il y avait plus urgent à faire que de s’extasier sur son propre mérite. En effet, si la route 25 était si proche qu'il l'espérait, il fallait qu’il aille chercher Jessie.

- Allez Qulbutoké ! On va chercher Jessie !

Quand il entendit le prénom de son ancienne dresseuse, le Pokémon bleu, bien qu’encore chancelant, adopta sa position fétiche, sa patte contre la tempe.

- Oké !!!

Les deux amis commencèrent donc leur marche à travers les arbres, espérant vite retrouver la route. La forêt n’était pas très dense et la luminosité était bonne, il y a avait donc peut-être une chance. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, James ne pouvait pas s’empêcher de sentir une présence dans son dos, mais toujours aussi peureux, il n’osait pas se retourner. Au bout d’un moment, la situation ne fut plus tenable et l’ancien membre de la Team Rocket virevolta sur lui-même dans un geste dramatique.

- Qui est là ? Cria-t-il, les yeux fermés par l'angoisse.

Quand, faute de réponse, il les rouvrit, il se retrouva nez à nez avec le Rhinocorne du tunnel.

- Eu... Gentil… Gentil… Rhinocorne… Balbutia James, apeuré à l’idée que l’imposant Pokémon se mette à charger.

Mais contre toute attente, Rhinocorne, qui était en fait une femelle, vint se frotter contre James, qui relâcha alors ses défenses, attendri par ce si gentil Pokémon.

- Alors comme ça, toi aussi tu es seul à présent ? Chuchota James en rendant ses caresses au Pokémon sauvage.

Le Rhinocorne poussa un petit cri approbateur.

- Tu peux venir avec nous si tu veux, nous partons chercher une amie… Continua James d’une voix douce, le ventre serré, n’osant plus prononcer le nom de Jessie, de peur de s'attirer malheur.

Le Pokémon enthousiaste suivit donc Qulbutoké et James, s’arrêtant de temps à autre pour mâchouiller quelques brins d’herbe. A sa vue, le ventre de James se mit à gargouiller. Ils étaient bien loin les biscuits au chocolat du réfectoire...
Non, il fallait qu’il arrête de penser à son estomac !
Jessie, je t’en supplie, soit toujours en vie… Implora-t-il alors à demi-mots.

Tout à coup, Rhinocorne poussa un petit cri joyeux et plongea sa tête dans un buisson pour en retirer d’épaisses herbes qu’il avala sans même prendre le temps de mâcher.

- Rhinocorne… Soupira James, arrête de penser à manger, il faut qu’on avance…

Mais son attention fut attirée par quelque chose. Il avait déjà vue ces herbes… C’était celles que Cassandre utilisait pour soigner Jessie. Le cœur de James s’accéléra et il regarda le sol attentivement. Effectivement, comme il pouvait s'y attendre, une bande fine d’herbe écrasée serpentait autour des bosquets et repartait au milieu des arbres. C’était le chemin que ceux qui utilisaient ses herbes médicinales prenaient et il devait mener à la route !

Tout excité, James fit signe aux deux Pokémons de le suivre. Ils marchèrent ainsi de longues minutes. Soudain, Rhinocorne releva la tête et huma l’air plusieurs fois de suite. Puis, sans demander son reste, il partit en avant comme une furie.

- Rhinocorne ! Rhinocorne ! Où vas-tu ? Criait James derrière lui. Tu t’éloignes du chemin ! Ajouta-t-il en regrettant presque d'avoir proposé au Pokémon de les accompagner.

Le Pokémon massif s’arrêta brutalement devant un arbre au feuillage épais, qui aménageait sous ses branches un coin d’ombre parfait compte tenu de la température qui ne cessait d’augmenter.

- Qu’est-ce que tu as trouvé Rhinocorne ?! Souffla James, qui n’en pouvait plus de courir sans cesse. Oh... Ce n’est pas vrai ! Cria-t-il alors.

Devant lui, appuyée contre l’arbre, un gros sac en toile contre elle, une femme aux longs cheveux rouges semblait dormir. Son corps portait les stigmates de profondes blessures, pourtant sa cage thoracique se soulevait régulièrement.

- Je… Jessie… Bégaya James en s’approchant de son amie.

Bien qu'ayant les mains tendues vers elle, il n’osait pas la toucher.
Et si c’était un fantôme ? Se demanda-t-il.
Il n’eut pas le temps de réfléchir davantage que Jessie ouvrit mollement les yeux.

- James ?
- Jessie…

James, qui ne pouvait plus retenir ses larmes, se précipita vers elle et la serra dans ses bras.

- Aie… Tu me fais mal… Grinça Jessie.
- Pardon ! Pardon ! S'agita James. Mais tu… Tu es vivante…
- Qu’est-ce que tu crois ? Qu’ils allaient m’avoir comme ça, personne ne vient à bout de Jessie… Sourit-elle difficilement, ses muscles étant encore douloureux.
- Je suis si content de te revoir… Qu’est-ce que… Qu’est-ce que tu fais là ? Pleurnicha James en essuyant ses yeux du revers de sa main.
- Je me suis enfuie… Et toi ? Tu es le vrai James ? Continua Jessie à voix basse, méfiante, en appuyant son doigt sur le nez de son coéquipier. Tu as l’air réel…
- Tu t’en enfuie ? De chez Cassandre ? Mais elle a si bien pris soin de nous !
- Oui c’est ça… Et quand j’aurais été capable de me tenir debout, elle nous aurait envoyés à la police… Grimaça Jessie, en se redressant laborieusement contre le tronc d’arbre.

Cette remarque fit sourire James. Jessie n’avait pas du tout changé et cette constatation lui réchauffa le cœur. Il lui répondit donc ceci :

- Oui, tu as sans doute raison. Elle n'avait pas l'air fiable...
- En fait, comme je me suis retrouvée seule à mon réveil, je pensais qu'elle n'avait trouvé que moi et que tu étais toujours quelque part en train d'agoniser sur la route, alors je suis partie à ta recherche, mais j'ai l'impression que ce n'est pas ce qu'il s'est passé... Ajouta-t-elle, l'air suspicieux.
- Non, en effet...
- Et ça c’est quoi ? Fit Jessie en pointant du doigt le Rhinocorne.
- Un nouvel ami, c'est une longue histoire tout ça... Je te raconterai !
- J’aime beaucoup les Rhinocorne, sourit Jessie qui s'était adoucie à la vue du grand Pokémon, tandis que celui-ci, décidément pas farouche du tout, venait se faire caresser.
- Surtout que j’ai l’impression que pour celui-là, tout ce qui compte c’est manger et prendre du bon temps, soupira James.
- C’est bien, ria Jessie pour la première fois depuis qu’il l’avait retrouvée. Au moins on aura un Pokémon qui nous ressemble !
- En parlant de Pokémon qui nous ressemble… Jessie…
- Mmm…
- Et bien je, comment te dire…
- Mais dis-moi enfin ! Je ne suis pas une enfant... Qu’est-ce qu’il y a ?
- Qulbutoké ! Tu peux sortir ! Cria James en direction des buissons derrière lui.
- Quoi ?! Qulbu… Balbutia Jessie.

Le Pokémon bleu, qui avait attendu le moment opportun pour faire son apparition, sortit des branchages, et extatique, courut vers son ancienne dresseuse, des larmes plein les yeux. Jessie l’accueillit dans ses bras avec stupeur.

- Qulbu ! Qulbutoké ! S’excitait le Pokémon.
- Qulbutoké… C’était vraiment toi… Murmura Jessie, la voix tremblante.

Qulbutoké s’éloigna de quelques centimètres et lui tendit une fleur sauvage, pas très jolie, qu’il avait cueillie à côté de sa cachette. La tige c’était cassée en deux sous la pression des embrassades, mais Jessie la prit comme un cadeau sacré et la serra contre son cœur.

- Qulbutoké… Fit-elle, émue. James ? Comment est-ce possible ?
- Ca fait partie de l'histoire qu’il faudra que je te raconte, sourit James en s’asseyant à côté de son amie. Ah… C’est vrai qu’on est bien là…

Son ventre se mit alors à gargouiller de plus belle.

- Tu peux une pomme ? Demanda Jessie, en sortant un beau fruit du sac qu’elle avait contre elle.
- Une pomme ?! Oh oui  ! Mais Jessie… Comment ?
- Je l’ai volée. Tu crois que j’allais partir de chez cette morveuse sans remplir un sac de nourriture ? J’ai du pain, des fruits, de l’eau, des biscuits…

Tandis que Jessie énumérait, fière, le contenu de son sac, James se demanda si c’était le bon moment pour parler du sien de sac.

- En fait, je pensais que tu avais aussi de la nourriture dans ton gros sac ! Finit par dire Jessie, en croquant dans une poire juteuse. Qu’est-ce que c’est si ça ne se mange pas ? Ajouta-t-elle en crachotant des petites morceaux de pulpes.
- Oh rien… Des trucs… Répondit James, qui ne savait pas comment aborder la chose.
- Dis-moi, sinon je l’ouvre !
- Ok ! Ok ! Dis donc pour quelqu’un qui était encore alitée il n’y a pas longtemps, tu as toujours sacré caractère !
- Qui a sacré caractère ?
- Non rien…

James se leva, prit le sac, le mit en l’envers et le secoua pour en faire tomber son butin. Que des coupes et bibelots en or massif, des bijoux incrustés de pierres et autres merveilles. L’éclat de ce trésor inattendu se reflétait dans les yeux clairs de Jessie, interdite.

- Et oui ! Moi aussi j’ai volé quelque chose ! Fanfaronna l’homme aux cheveux bleu, un pied sur une souche, le poing sur la hanche.
- James… C’est fabuleux…

James, surpris par tant de franchise de la part de Jessie, redescendit de sa souche et se vint placer devant sa coéquipière.

- Je sais que ça ne remplace pas ton obsession de capturer ce Pikachu mais…
- Au diable Pikachu ! S’écria alors Jessie.
- Hein ?
- Oui, j’arrête avec ça. Ca suffit, je perds mon temps.
- C’est ce que j’essayais de te dire depuis des ann… Bref, bref, je suis conscient que ça ne nous fera pas vivre comme des rois le restant de nos jours, mais c’est peut-être assez pour…
- Ouvrir un salon de beauté Pokémon, je suis d’accord, finit Jessie, accompagnant sa remarque d’un sourire bien doux.

James rougit légèrement.

- Eu… Eu.. Enfin, on peut faire autre chose, mais c’est vrai qu’un salon de beauté…
- Non mais tu as raison, j’en ai marre de vivre comme une mendiante. On ouvrira notre salon !
- Oh merci Jessie ! Et tu verras ! Les gens se presseront pour qu’on s’occupe de leurs Pokémons ! Nous deviendrons célèbres !
- Oh… Bah... Même si nous ne le devenons pas, essayons d’abord d’être heureux, d’accord ?
- Jessie ?
- Quoi ?
- Qu’est-ce qu’il te prend de dire des choses comme ça, tu es certaine que ça va ?
- C’est vrai que je dis des choses bizarres, se mit à rire nerveusement Jessie. Au fait, pourquoi ton œil fait un truc bizarre ? Continua la femme aux longs cheveux rouges en fixant les yeux de James.
- C’est... Parce qu’il n’y voit plus…
- Ah… Je suis désolée…
- Ce n’est rien… On est vivant, c’est ce qui compte.
- Oui. De toute façon, même avec deux yeux, tu avais du mal à réaliser ce qu'il se passait devant toi, alors avec un seul, tu seras sûrement plus prudent !
- Jessie... Tu es toujours aussi cruelle, répondit James, dépité.

Jessie rigola.

- Tu sais que je plaisante, un oeil ou deux, pour moi tu es toujours le même !

Tous deux continuèrent donc leur repas, puis James aida Jessie, encore faible, à monter sur le Rhinocorne, et le petit groupe se redirigea vers le sentier sommaire qui devait les mener à la route 25. James avait fini de raconter son histoire. Jessie, qui avait du mal à se concentrer, avait plein de questions à poser, mais elle décida de laisser un peu de temps à son partenaire pour souffler un peu.

- Un centre de beauté Pokémon, répétait James en boucle, tout content. Et… On pourrait se marier non ?

Jessie tourna vers James des yeux ronds comme des billes. Sa respiration venait de s’accélérer brusquement sans qu’elle ne comprenne trop pourquoi.

- Oui ! Se marier ! Ca fait plus sérieux si on travaille à deux, dans notre entreprise.
- Mmm ?
- Le salon ?
- Ah oui, plus sérieux… Oui c’est sûr…

Jessie resta silencieuse quelques minutes, jetant des regards furtifs à James. Son regard s’attendrit… Elle aura voulu remercier cet homme, son coéquipier, son meilleur ami, de tout ce qu’il avait pour elle depuis toutes ces années, mais sa fierté empêchait les mots de sortir. C’est vrai qu’elle aurait aimé continuer à passer sa vie à ses côtés… Et c’est vrai qu’elle l’avait toujours trouvé charmant et drôle, sous ses faux airs féminins ridicules. Passer toute sa vie avec James…  Jessie sentit le rouge lui monter aux joues de plus en plus.

- Ca va Jessie ? Tu es toute rouge...
- Oui oui ça va… C’est un reste de fièvre, ça va partir…
- D’accord…

Les deux énergumènes continuèrent à marcher et bientôt, firent irruption sur la route 25, qu’ils suivirent tranquillement, sans trop d’idées de l’endroit où ils allaient. Après tout, ils n’en avaient pas besoin. Ils étaient simplement heureux d’être en vie, avec leur trésor, de nouveaux amis et tous leurs projets.

- Ok, dit soudain Jessie, rompant le silence environnant.
- Ok quoi ? Demanda James.
- Le mariage ! Mais je veux une robe à manches longues ! Tant que mes cicatrices sur les bras ne sont pas parties, je ne veux pas les voir ! Dire qu'ils ont osé abimer ma peau si belle... Je ne les pardonnerai jamais...
- Eu… D’accord… Répondit James, heureux et surpris à la fois.
- Au moins, j’ai tellement souffert, qu’à côté, si un jour on a des enfants, ça passera comme une lettre à la poste ! Rigola Jessie, bien fort, pour cacher sa gêne.
- Des enfants… ? Fit James, encore plus surpris.
- J’ai dit ça ? S’interrompit Jessie.
- Je crois bien, répondit James, aux anges.
- Mmmm… Continua Jessie, tandis que le Rhinocorne s’était arrêté. James ?
- Oui Jessie ? Tu veux me dire quelque chose ? Renchérit James en s’approchant un peu plus d’elle.
- Qulbutoké !!! S'exclama alors le Pokémon maladroit en bondissant entre eux.
- Oh toi ne recommence pas ! Firent les deux amis à l’unisson en levant les bras, déjà exaspérés.
- Oké….