Chapitre 2 :
Il était six heures du matin quand Sacha arriva à Jadielle, grande ville au coeur de la région de Kanto, sa région de naissance. Pikachu et lui avaient une mine éteinte, et si la fatigue du trajet en pleine nuit y était pour beaucoup, elle n'en était pas la principale cause. Chaque pas qui les rapprochait de la maison natale du jeune homme leur serrait la gorge. Ce qui jusqu'ici n'était encore qu'une très, très mauvaise nouvelle allait soudain devenir une réalité, une réalité à laquelle ils ne savaient pas encore comment faire face.
Pendant tout le trajet, Sacha avait tenu son pokémon sur ses genoux, lui caressant doucement la tête pour le réconforter, et peut-être aussi pour se réconforter lui-même. Malgré cela, ils n'avaient eu aucun autre échange et là, dans le taxi qui les menait jusqu'au petit village de Bourg Pallet, où vivait toujours sa mère, la situation n'évoluait pas, ils ne se parlaient pas.
Aucun d'eux n'avaient besoin de paroles de l'autre pour être soudés et savoir qu'ils étaient là l'un pour l'autre quoi qu'il arrive mais là, chacun semblait essayer de faire face au choc dans son coin. Après tout, ne dit-on pas que face à certaines blessures nous sommes désespérément seuls, bien qu'entourés ?
Une heure de route plus tard et le jeune homme arrivait, bagages en mains et son compagnon à ses côtés, devant la maison qui l'avait vu grandir.
Le bonheur de revoir sa mère était bien présent en lui mais dissimulé sous une foule d'autres sentiments malheureusement plus sombres.
Au pas de la porte, main sur la poignée, il respira profondément en fermant les yeux, sa dose de courage se trouvant dans ce petit geste anodin. Il hésita un instant, paralysé par la peur, mais un petit coup d'épaule amical de Pikachu le sorti de sa torpeur et il se décida à ouvrir.
La maison n'était pas éclairée alors que seules les faibles lueurs de l'aube baignaient la maison d'une minuscule clarté. Sa mère dormait-elle encore ? Si tel était le cas alors pourquoi tous les volets étaient-ils ouverts et la porte dévérouillée ?
Lui ne se posa pas la question et avança à travers la maison, pensant certainement que sa mère, épuisée, n'avait sans doute pas eu le temps de faire les gestes d'usage avant d'aller se coucher la veille au soir.
_ Maman ?! appela-t-il à travers la maison
Il entendit un bruit provenant de la cuisine et une faible voix prononcer son nom.
Un instant plus tard, sa mère était dans l'entrebaillement de la porte face à lui, et porta sa main à ses lèvres qui trahissait son émotion, en voyant son fils. Il la trouva méconnaissable, le teint blafard, les yeux cernés et rouges, négligée et décoiffée, ça lui déchira le coeur, l'empathie l'envahit et il ressenti encore plus de chagrin.
_ Mon fils ! fondit-elle en larmes en se jetant dans ses bras. Enfin te voilà !
Le jeune garçon resserra son étreinte autour de sa mère, savourant sa présence et ce sentiment éternel de réconfort et de protection que l'on ressent toujours dans les bras de la femme qui vous a donné la vie.
_ Je suis là maman, ça fait du bien de te voir. Tu m'as tant manqué, sourit-il le visage caché dans son cou.
_ Toi aussi mon chéri. Grace au ciel le vol s'est bien passé, dit-elle en desserant son étreinte pour ne pas oublier de saluer Pikachu, lui aussi très heureux de la voir.
_ Oui, nous sommes arrivés à l'aéroport de Jadielle il y a à peu près une heure, se força-t-il à sourire, privée de l'étreintematernelle chaleureuse.
_ Je pensais que tu m'aurais donné des nouvelles afin que j'y vienne vous chercher, dit-elle de sa petite voix éteinte qu'elle essayait de faire paraître en forme.
_ Non il était bien trop tôt, je ne voulais pas te lever du lit si bonne heure maman.
_ Tu sais, mes heures de sommeil sont écourtées ces dernières nuits, j'ai passé celle-ci à la cuisine, je m'y suis assise hier soir pour boire une tasse de thé et puis je me suis endormie, compta-t-elle sur leton del'humour. C'est toi qui vient de me réveiller en m'appelant, sourit-elle gentiment
Sacha ne le dirait sans doute pas mais cette révélation lui était pénible. Imaginer sa mère si érintée physiquement et moralement, au point de passer une nuit censée être régénératrice, sur une chaise de cuisine inconfortable.
_ Quoi qu'il en soit, Pikachu et toi allez aller vous reposer un peu, vous devez tomber de fatigue.
_ Non maman ça va, c'est gentil mais nous avons dormi dans l'avion, et je ne pourrai plus fermer l'oeil, tenta-t-il de la convaincre.
Il n'en était rien, son pokémon, autant que lui, n'avaient pu se résoudre à fermer l'oeil de tout le temps du trajet, et là encore, Sacha se le refusait, certainement bien trop anxieux pour ça.
_ Comme tu veux mon chéri, de toute façon tu es chez toi ici, tu iras te reposer quand tu en sentiras le besoin, et toi aussi Pikachu, dit-elle à l'attention de la petite bête aux côtés de son fils.
Il lui rendit son sourire et ils se dirigèrent ensemble vers la cuisine. Un bon café chaud ou toute autre substance forte ou vitaminée qui les aiderait à tenir le choc serait la bienvenue.
Ils s'installèrent et partagèrent un breuvage chaud et réconfortant, en évitant tout d'abord soigneusement le sujet principal qui les réunissait tous si prématurément. Ils parlèrent furtivement du temps qu'il faisait, des pokémon du coin, des dernières aventures de Sacha ainsi que de ses amis, cependant sans mettre à tout ça une grande pointe d'enthousiasme.
Puis vint, après un moment de silence lourd de sens, le besoin d'aborder le plus préoccupant.
_ Mon chéri, je vais me rendre à l'hopital dans la matinée. Je vais aller m'occuper de...
_ Oh... oui, souffla-t-il en retenant une voix éraillée.
_ C'est que... l'assurance ne prend pas tout en charge et, certains soins supplémentaires si on veut qu'ils soient effectués par le personnel soignant, pourrait coûter bien plus cher et... même si les soeurs de... Ondine, se sont proposées pour participer aux frais... nous ne savons pas combien de temps elle... enfin...
Elle ne termina pas sa phrase, ne voulant pas se laisser aller à craquer devant son fils.
_ Oui je vois maman. Je... peux t'accompagner ? demanda-t-il, effrayé à l'idée d'y aller, mais inquiet de prendre le risque de ne pas pouvoir.
_ Bien sûr, viens voyons, tu as fait tout ce chemin pour être auprès de ton amie toi aussi.
Un premier vrai mais très léger sourire s'esquissa sur les lèvres du jeune homme depuis la veille.
_ Pika ? intervint le petit pokémon, demandant lui aussi la permission de les accompagner.
_ Evidemment Pikachu, viens toi aussi.
Ils replongèrent dans un étrange silence, évitant une fois encore de s'étaler sur le sujet et de poser les questions dérangeantes. Ils prirent le temps de ranger leurs affaires et se rafraîchir avant de se mettre en route vers Azuria.
Il fallait compter plus d'une heure de trajet en voiture pour s'y rendre et Sacha réalisa que sa mère faisait l'allé retour chaque jour.
Cet allé là ce fit toujours dans le silence, si ce ne fut un échange banal de ci de là, histoire de ne pas laisser une atmosphère trop pesante s'alourdir sur eux, mais le jeune dresseur et son pokémon n'en menaient pas large d'être bientôt confrontés à la triste réalité.
Arrivés à l'hopital de la ville, ils déposèrent la voiture au parking et avant d'en sortir, la mère du garçon prit une profonde inspiration avant de dire :
_ Sacha, tu t'en doutes certainement mais je te le dis quand même, Ondine est plongée dans le coma.
Le jeune homme homme se mordillait les lèvres
_ Oui maman..; je l'avais bien compris, conçit-il, espérant ne pas en parler d'avantages.
_ Les médecins n'ont aucune recommandation précise. Si ce n'est essayer de la stimuler ...
Il soupira de gêne, non, il ne pouvait pas échapper aux explications. Et même s'il en avait conscience ça lui était pénible.
_ Oui... même si je ne sais pas exactement ce que cela peut représenter.. médicalement je veux dire, dit-il tête baissée en jouant nerveusement avec ses doigts.
_ Tu vas la voir... branchée à des appareils qui la maintienne... en vie. Et heum... comment te dire ça avec délicatesse...
Sacha déglutit en serrant ses poings.
_ Dis-le maman, c'est tout !
Sa gentille maman eut l'air de chercher ses mots puis, se donnant du courage, les prononça tant bien que mal,
_ Et bien, à vrai dire, sa vie... sera possible en fonction de la durée, de son sommeil dirons-nous.
Sacha tourna subitement la tête vers elle
_ Tu veux dire que si elle restait trop longtemps absente elle ne pourrait plus vivre ? demanda-t-il cette fois sans plus cacher son émotion.
Sa mère détourna le regard et chercha une fois de plus ses mots pour lui répondre,
_ Je veux dire que si le temps démontre qu'elle ne peut plus vivre sans être reliée à ces appareils, effectivement elle... ou bien si elle restait trop longtemps.. absente comme tu dis, sa vie au réveil ne serait... plus vraiment une vie, tu vois ?
Une larme roula franchement sur la joue du jeune homme cette fois.
_ Ok... je comprends, déclara-t-il lourdement. On peut sortir là il fait chaud, paniquait-il.
Il sentit une main chaude et rassurante se poser sur la sienne. Un contact une fois de plus apaisant qui calma son imminente montée de stress.
_ Mais pour l'heure il est trop tôt pour prononcer un diagnostic si radical, tenta-t-elle de le rassurer,pleine de tendresse. Tout est encore possible mon chéri. C'est aussi pour ça que ses soeurs voulaient que ses amis les plus proches soient auprès d'elle,justement pour la stimuler.
Sacha sembla réfléchir un moment... un moment durant lequel sa mère lui laissa digérer les fraîches informations.
Puis il sortit de ses pensées et fit signe à sa mère qu'il était prêt à y aller.
Un trajet entre les allées ensoleillées bordées de petites haies, quelques pas dans le grand hall de l'immense bâtisse blanche et une montée de trois étages en ascenseur plus tard, et il était sur le pas de sa porte, d'une de ses plus anciennes et meilleures amie. Il devint subitement pâle et demanda un instant à sa mère avant d'ouvrir. Elle le regarda sans montrer son inquiétude mais avec un tendre sourire réconfortant et encourageant.
Il n'en fallut pas plus visiblement pour donner au jeune homme le courage nécessaire et il acquiesca d'un mouvement de tête, et sa mère franchit le seuil, il la talonna, ainsi que Pikachu qui lui, marchait vraiment à petits pas hésitants.
Les jambes tremblantes sur ce sol stérile, il n'osait d'abord relever la tête et pourtant ses mains tremblantes trahissait un sentiment fort en train de le traverser. Destabilisé, effrayé, il redressa doucement les yeux pour les poser sur la jeune femme qu'il savait allongée dans ce lit en face de lui.
Et alors que ses yeux se posèrent sur elle, endormie paisiblement, constrastant subitement avec l'émotion inquiète et terrorisée de quelques secondes auparavant, ses yeux brillèrent et s'agrandirent, comme émerveillé, et un sourire léger se dessina sur ses douces lèvres frétillantes d'émotions.