L'Alakazam qui ne voyait pas [Aventure/AAML] TERMINEE

Quand la porte s'ouvrit devant lui, Sacha n'en crut pas ses yeux. Ondine était là, en face de lui, des années après leur dernière rencontre. Mise à part quelques centimètres en plus, elle n'avait pas vraiment changé. Elle avait gardé une silhouette fine et élancée. Sseuls les traits de son visage avaient légèrement muri. Cela faisait un bien fou de la revoir et pendant un instant, Sacha eut l'impression d'être projeté des années en arrière, comme si rien ne s'était passé depuis.

- Ondine ! Je suis tellement content de te voir ! Je...  Ondine ?

La jeune fille en face de lui, toujours appuyée sur la porte, le fixait d'un air désespéré.

- Ondine ? C'est moi Sacha ! Tu ne me reconnais pas ? Ajouta le jeune homme en s'approchant d'elle.

La jolie rousse ne bronchait pas et soupira. Elle baissa les yeux au niveau du sol et Sacha vit Pikachu se jeter après quelques secondes dans ses bras. Sacha réalisa donc avec horreur que ce qu'il redoutait était peut-être arrivé. Il baissa la tête et s'aperçut effectivement qu'il ne distinguait plus les traits de son corps. ll avait totalement disparu. Il porta la main à sa ceinture, ses Pokéballs n'y étaient plus. Il les vit par terre derrière lui.

Restons calme, pensa-t-il. Restons calme.

Mais il aurait tellement aimé que Ondine puisse le voir et l'entendre !

Il vit ensuite la jeune dresseuse et Pikachu ramasser une à une ses Pokéballs, comme des objets précieux, lui tourner le dos et claquer la porte. Sacha se retrouva seul, ne sachant pas quoi faire.

Bah après tout... se dit-il.

Il prit une grande inspiration et avança. Tout comme il ne sentait plus le sol sous ses pieds, il traversa la porte sans difficulté pour se retrouver dans l'arène. Il vit Ondine et Pikachu qui s'éloignaient en direction de ce qu'il lui semblait être le bassin de l'arène et il courut pour les rattraper.

Ondine avait repris Pikachu dans ses bras, elle n'osait pas le lâcher. Pikachu, lui, ne bougeait pas. Seuls ses yeux restaient grands ouverts et son regard arpentait les lieux comme s'il cherchait quelque chose. De temps à autre, il reniflait un peu l'air, puis abandonnait, la mine déconfite.

Ondine avait effectivement décidé d'aller poser les Pokéballs de Sacha dans la salle avec le grand bassin où elle entrainait ses Pokémons. Plus que sa chambre qu'elle partageait avec Jude, cette pièce au contraire était comme un jardin secret. Puis, elle se laissa glisser le long du mur pour se retrouver assise par terre.

Sacha arriva dans la même salle quelques secondes seulement après Ondine et Pikachu. Il était impressionné, l’arène avait beaucoup changé. De nombreux travaux avait été fait, des pièces ajoutées, c’était vraiment magnifique.

Il s’approcha maladroitement de sa vieille amie qui ne pouvait pas le voir et s’assit par terre à côté d’elle. Il osa à peine tourner sa tête vers elle. Il se sentait mal et triste. Elle était aussi jolie que la dernière fois qu’il l’avait vu, mais la voir désemparée ainsi, lui fendait le cœur. Il gardait le souvenir d’une Ondine au caractère bien trempé et savoir qu’elle était dans cet état, encore à cause de lui, le faisait se détester lui-même.

Soudain, un homme quelques années plus âgé qu’Ondine et lui fit irruption dans la salle.

- Ma chérie ? C’était des dresseurs qui ont encore sonné ? Ils sont repartis ?

Ma chérie ?! Ondine ? Ça doit être son fiancé, pensa Sacha, quelque peu dégouté.

L’homme était charmant, il fallait le reconnaitre, et il avait l’air attentionné. Tant mieux pour Ondine si elle avait trouvé quelqu’un qui l’aime, il fallait qu'il soit heureux pour elle...

- Qu’est-ce qu'il se passe ma puce ? Qu’est-ce que tu fais contre le mur ? C’est quoi ce Pikachu ?
- Ah... Non, ne t’inquiète pas ! Je pense simplement qu'un dresseur mal attentionné a abandonné ce Pikachu. Il n’a pas du trouver le Centre Pokémon et l’a déposé devant l’arène. C’était ça, la sonnerie. Je l’observais, mais il m’a l’air en forme.
- Mais c’est affreux… Répondit Jude.
- Oui…
- Tu veux de l’aide ?
- Non ça ira, tu peux retourner travailler.
- D’accord, ça marche, je te fais confiance.

Jude s’approcha d’Ondine, se baissa et lui déposa un baiser sur le front. Sacha, assis à côté d’elle, bouillait intérieurement.

Et en plus, il est prévenant pensa-t-il.

Quand il vit que Jude ne se relevait pas et approchait ses lèvres de celles d’Ondine, il ne put s’empêcher de crier : Non, mais allez-y ne vous gênez pas ! C’est l’hôtel ! Faites comme si je n’étais pas là ! Il pouvait crier comme il voulait, il s’en fichait, personne ne pouvait l’entendre. Heureusement pour lui, Ondine repoussa Jude.

- Attends, pas maintenant s’il te plait, il faut vraiment que je m’occupe de ce Pikachu.

Elle n’avait pas du tout, mais alors pas du tout la tête à cela. Jude repartit donc un peu déçu, mais fier que sa dulcinée prenne si bien soin de ce Pokémon abandonné. C’est donc sur cette pensée positive qu’il retourna à son travail. Ondine le suivit des yeux et quand il fut hors de la pièce elle se leva précipitamment pour refermer à clé derrière lui. Elle ne voulait pas être dérangée. Elle voulait comprendre ce qu’il se passait.

- Bon Pikachu ! Dis-moi ce qui se passe s’il te plait, tu me fais peur ! Il est où Sacha ?
- Pika ! Pika ! Pikaaa Pikaaa !!

Aie, je ne comprends rien à ce qu’il dit, pensa Ondine. Ça fait trop longtemps…

Pikachu, voyant que la dresseuse ne comprenait pas grand-chose à son discours et qu'elle le regardait avec des yeux inquiets et perplexes, se rapprocha d’elle et lui montra son cou et le petit rouleau de papier qui y pendait. Ondine se baissa et défit délicatement le nœud. Ressentir son mouchoir sous ses doigts l’émut beaucoup et elle eut du mal à ne pas craquer.

Alors comme ça, il l’avait gardé ce mouchoir. Cela devait vouloir dire qu’il ne l’avait pas oubliée après tout.

Qu’est-ce qu’il t’est arrivé Sacha ? Pensa-t-elle.

Elle glissa le mouchoir dans la poche de son short en jean et déplia le papier. C’était une lettre. Elle commença sa lecture à haute voix :

« Ondine,
Je crois que je n’ai pas beaucoup de temps. Je suis désolé de ne pas t’avoir donné de nouvelle et de ne pas être venu te voir. Tu ne t’en es peut-être même pas aperçu, mais même si c’est égoïste de ma part de penser ça, j’espère que tu ne m’as pas oublié. Moi, je te jure que je ne t’ai jamais oublié. J’ai toujours gardé ton mouchoir avec moi et si je suis devenu Maître Pokémon, c’est indirectement grâce à toi. Je ne pourrais jamais assez te remercier. J’étais trop jeune pour comprendre et j’avais honte de continuer à poursuivre mon rêve et à m’amuser, alors tu étais débordée de responsabilités. Je ne voulais pas te faire de peine, je voulais que tu puisses vivre ta vie et être heureuse sans que je sois un boulet pour toi qui te fasse tout le temps penser à la vie que tu avais eu avant. Je m’étais promis de te contacter au moins pour les grandes occasions, où au moins te répondre, et puis à chaque fois devant le téléphone, je n’y arriverais pas. Je pourrais m’excuser pendant des pages, mais je n’ai qu’une feuille et vraiment peu de temps.
Aujourd’hui j’ai besoin de ton aide. J’espère que tu ne penseras pas que je profite de toi. A l’heure où tu lis cette lettre, je me tiens sûrement juste à côté de toi, mais tu ne me vois pas… »

Ondine releva la tête, surprise et paniquée et regarda partout autour d’elle.

Sacha tu es là ? Pensa-t-elle.

Elle n’osait pas le dire à haute voix, elle se sentait stupide.

« Si je suis dans cet état, c’est parce que j’ai été attaqué par un Alakazam très puissant qui m’a fait disparaitre. C’est une longue histoire que je te raconterai un jour si l’on peut se revoir. C’est là que j’ai besoin de ton aide. Il faut absolument que tu apportes cette lettre à Morgane à Safrania. Je ne peux pas le faire seul et Pikachu est épuisé. Je ferais la route avec toi. Je t’en pris, il faut que tu m’aides. Je comprends que tu me détestes, mais aide-moi. Je n’ai que toi. Seule Morgane s’y connait suffisamment en pouvoir psy pour m’aider.
Je te félicite pour ton mariage, j’espère que j’aurais l’occasion de te le dire de vive voix.

Sache que tu es toujours restée ma meilleure amie dans mon cœur.
Pardon.

Sacha ».

Ondine choquée, lâcha la lettre, qui voleta quelques secondes pour tomber par terre. Vite, elle se baissa pour le récupérer et la serra contre elle. Elle la relue plusieurs fois. Ce n’était pas possible, c’était un canular ! Non, Pikachu était bien réel, les Pokéballs aussi, et ce mouchoir, c’était certain, c’était le sien.

- Sacha, tu es là, c’est ça ? Tu es là dans cette pièce, maintenant ? Osa-t-elle dire à haute voix, des sanglots dans celle-ci.

Sacha s’était levé et placé devant elle, il la dépassait légèrement à présent, mais vraiment de peu. Il s’en voulait de la mettre dans cette situation et sa lettre lue à haute voix lui paraissait incroyablement stupide. Il aurait voulu prendre Ondine dans ses bras et lui dire : Haha c’était une blague, je t’ai eu ! Elle l’aurait frappé sur la tête en criant, ils se seraient disputés et pris une attaque Tonnerre de Pikachu. La routine quoi. Cette pensée fit sourire le jeune homme.

La vision d’Ondine en face de lui le faisait souffrir et il ferma les yeux, s’imaginant l’enlacer pour la réconforter. Il ne l’avait jamais vraiment prise dans ses bras, il avait du mal à visualiser la scène. Il espérait sincèrement qu’elle allait l’aider, mais il pourrait comprendre qu’elle ne le fasse pas. Elle ne lui devait rien.

- Bon Pikachu ! Viens, je vais te donner à manger pour que tu reprennes des forces et on part à Safrania ! C’est seulement à quelques jours de marche ! On n’a pas de temps à perdre !

Sacha rouvrit les yeux. Ondine allait l’aider.

Merci Ondine, merci ! Pensa-t-il.

Il vit la jolie rousse ouvrir un grand sac à dos et y mettre ses Pokéballs, ainsi que les siennes. Elle se dirigea vers la porte qu’elle avait précédemment verrouillée, mais se tourna avant de l’ouvrir.

- Euh Sacha, si… Si… Tu es là… Je ne te déteste pas tu sais. Je vais t’aider tu vas voir, tu vas revenir et je te faire regretter de m’avoir laissée tomber !

Elle prononça sa dernière phrase en se forçant à sourire et en espérant qu’elle ne parlait pas seule. Personne ne répondit bien sûr et ses paroles se perdirent dans l’air.

Jude la vit débouler dans la cuisine où il prenait un petit encas bien mérité entre deux travaux de rénovations qu’il gérait en ville.  

- Jude, il faut que je m’absente quelques jours. Je dois aller à Safrania.
- Ah bon ? Qu’est-ce qu'il se passe ? Tu veux que je t’accompagne en voiture ?

Ondine hésita, puis lui raconta la vérité en édulcorant quelques détails et elle vit les yeux de son fiancé s’écarquiller.

- Ah bon, et cet, cet ancien ami alors il est dans la pièce avec nous ?
- Oui.
- C’est… difficile à croire.
- Je sais. Si ça se trouve je me trompe, dans tous les cas je ne veux pas te retarder dans ton travail, tu peux garder la voiture, j’irais à pieds. De toute façon, si Sacha est vraiment immatériel, le mettre dans une voiture ne marchera pas. On ira à pied.

Bien vu Ondine, se dit Sacha. Je n'y aurais pas pensé.

- Tu es certaine que tu ne veux pas que je t’accompagne ?
- Non vraiment ça ira, merci, répondit Ondine. Mets juste une petite pancarte sur la porte de l'arène qui dit que je reviens dans quelques jours.

Elle voulut s’approcher pour l’embrasser, mais imaginer que Sacha assiste à la scène la freina, sans savoir vraiment pourquoi. Elle monta dans sa chambre et mit plein d’affaires dans son sac. Après un moment d’hésitation, Sacha la vit sortir un carnet de derrière sa table de nuit.

Je le prends, je le prends pas… Se demanda Ondine.

Ah mon sac de couchage, j’allais l’oublier ! Ça fait une éternité que je ne l’ai pas utilisé ! Où est-il ?

Elle fit tomber le carnet sur le lit qui s’ouvrit et partit fouiller dans son armoire.

Sacha, pendant ce temps, flânait dans la chambre d’Ondine. Elle semblait assez impersonnelle et quand il vit le lit deux places, il comprit un peu pourquoi.

Beurk, pensa-t-il. Fais comme si tu ne comprenais pas, ça vaut mieux pour toi.

Il s’approcha du carnet ouvert. C’était un journal intime.

Alors comme ça, Ondine la guerrière a un journal intime, se dit-il en souriant intérieurement.

La page était ouverte sur une date qu’il connaissait bien. C’était le lendemain de la remise de son prix de Maître Pokémon.

« Cher journal. Pourquoi j’écris cher journal ? C’est stupide… Enfin bref, on s’en fiche. Je crois que Sacha a appelé aujourd’hui, mais encore une fois, personne au bout du fil. J’en ai marre. Je suis triste. Je ne suis quand même pas encore amoureuse de lui ? Pourquoi est-ce que ce sentiment ne veux pas disparaitre ? C'est pas juste. Je pense toujours à cet abruti et je ne suis pas capable d’aimer comme il le mérite mon compagnon. Je ne sais même pas si je pourrais me marier avec lui. Il ne faut surtout pas qu’il l’apprenne. Je me sens nulle. Et encore plus nulle d’écrire ça là dedans, il faut que je grandisse. J’aimerais vraiment revoir Sacha et lui dire que… »

Abasourdi par ce qu’il venait de lire, Sacha aurait bien voulu tourner la page, mais cela lui était impossible. Ondine éteignit la lumière, ferma la chambre et Pikachu sur les talons, cavala hors de l’arène, Sacha derrière elle. Elle courrait trop vite, il se sentait mal.

Il repensa à son journal, elle ne l'avait pas laissé ouvert sur le lit ?

Après quelques mètres de course effrénée, Ondine fut bien obligée de ralentir.

Tu n’espérais quand même pas atteindre Safrania en courant ? Se demanda-t-elle en ralentissant le pas. Économise tes forces, tu n’as plus l’habitude de randonner comme ça pendant longtemps, se conseilla-t-elle, silencieusement.

- Ça va Pikachu ? Lança-t-elle en se retournant, essoufflée. Je suis désolée, je me suis un peu emportée, c’était stupide. Pikachu ?
- Pikkkkaaa… Marmonna la petite souris électrique, en pseudo-rampant loin derrière Ondine.
- Oh Pikachu, pardonne-moi !

Elle courut vers son ami, récemment retrouvé, et le prit dans ses bras.

- On va faire une petite pause, et puis on fera le reste du chemin en marchant normalement, ok ?
- Pi, Pikachu...

La jolie rousse eut un petit doute, elle espérait que Sacha ait pu la suivre aussi. En admettant qu’il soit bien avec elle, bien sûr, ce qu’elle avait toujours un petit peu de mal à croire. Elle espérait vivement qu’elle n’était pas en train de craquer, victime d’un mariage qui l’angoissait, et qu’elle ne cherchait tout simplement pas à s’enfuir loin de ses responsabilités.

- Sacha ? Chuchota-t-elle, comme un appel pour se rassurer, dans le silence environnant.

Aucune réponse, bien entendu, qu’est-ce qu’elle espérait ?
Elle soupira en s’admettant vaincue et s’assit contre un arbre au bord de la route. Elle sortit de son gros sac à dos une pomme qu’elle sépara en deux. Elle en donna une moitié à Pikachu, qui oublia instantanément toute forme de rancune qu’il aurait pu avoir pour la sportive Ondine, pour croquer à pleines dents dans le fruit juteux.

De son côté, Sacha aurait pu continuer à courir pendant des heures, il était, bien que malade, en excellente forme physique. Mais il pouvait comprendre que Pikachu et Ondine soit fatigués. Il s’arrêta donc, mais au moment où il reprit son souffle, sa vision se coupa et il se retrouva plongé dans le noir.

Qu’est-ce qu’il se passe encore ? Se demanda-t-il, angoissé.

- Pikachu ? Ondine ?

Mais il savait que personne ne pouvait l’entendre. Sa tête lançait. Il avança à tâtons dans les ténèbres, quand petit à petit, il recommença à distinguer certaines formes et couleurs, pour finalement se retrouver à nouveau parmi le monde qu’il connaissait. Il ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer, mais il s’était dirigé inconsciemment vers son amie et il s’assit donc à côté d’elle. Il n’osait pas trop bouger, de peur que les ténèbres reviennent. Il regardait inquiet Ondine qui ressortait la lettre de son sac.

- Bon sang, Ondine, dans quoi est-ce que je t’ai embarquée, murmura-t-il.

Ondine relisait et relisait la lettre pour se donner du courage et de la détermination et se rassurer sur le fait que sa situation n'était pas juste une malheureuse conséquence de son esprit stressé. Mais non, la lettre était toujours réelle. Elle la rangea, se releva et ajusta les bretelles de son sac à dos.

- Pikachu, je sais que je ne suis pas Sacha, mais si tu veux, tu peux monter sur mon épaule.
- Pika ! Répondit le petit Pokémon, aux anges, en grimpant joyeusement sur l’épaule de la jeune femme.

Cette image fit sourire Sacha. Elle était belle comme ça Ondine, déterminée, avec son Pikachu sur son épaule. Il la reconnaissait mieux ainsi qu’à ronronner auprès de son fiancé. Il se leva également et le petit groupe continua la route ensemble.
Ondine s’en doutait sans le réaliser, mais elle marchait côte à côte du garçon qui avait souvent hanté ses rêves, de longues années après leur dernière route ensemble.

Ils marchèrent ainsi pendant des heures. Sacha mourait d’envie qu’Ondine lui parle, dise quelque chose, même s’il n’aurait pas pu répondre. Mais la jeune fille marchait silencieusement, fixant la ligne de l’horizon droit devant elle d’un air sévère, et Sacha du abandonner l’idée d’entendre encore le son de sa voix.

S’il avait pu se faire entendre, il aurait aimé lui faire par de son malaise. Ses moments d’absences dans le noir s’étaient reproduis quelques fois, de plus en plus longs à chaque fois. Il commençait vraiment à être inquiet. Disparaitre était une chose, mais il lui restait encore l’espoir. Ce qu’il était en train d’expérimenter, qu’était-ce alors ? La mort ? Un frisson lui parcouru l’échine. Il continua à marcher aux côtés de sa vieille amie. Être si proche d’elle, mais pourtant si loin, le tuait à petit feu. Et en regardant la dresseuse, il se dit qu’elle devait peut être ressentir la même chose, ce qui expliquerait son silence intransigeant.

Continuons, se dit le jeune homme, continuons, et nous verrons.

Le soleil commençait à se coucher au loin et à baigner la route de nos amis d’une belle et fragile lumière orangée.  Le ciel en était inondé.



Pendant ce temps, dans le même décor féérique, un peu plus au dessus d'eux :

- Jessie ! Viens voir ce coucher de soleil, c’est magnifique ! Balbutia un étrange homme aux cheveux bleus à sa compagne de bord.
- Mais tais-toi James ! Ce n’est pas le coucher de soleil qui va me remplir la panse ! Laisse-moi continuer à rêver de quelque chose de comestible… Grogna la femme en se tournant et se recroquevillant sur le sol de la nacelle.
- Mais, mais Jessie !
- Ah, mais c’est pas possible, mais tu vas te taire ! Renchérit la femme aux cheveux rouges en se levant comme une furie et en assénant à son malheureux coéquipier un coup de bouteille d’eau tragiquement vide.

- Oh… Mais c’est vrai que c’est beau… Finit-elle par rajouter, les mains appuyées sur la bordure de la nacelle, émerveillée par la beauté du ciel.
- Jessie, tu crois qu’un jour nous arrêterons de faire ce boulot stupide ? Et si on arrêtait ?
- James, on n’a pas d’argent. Pas un rond, rien. On est des bons à rien. Même Miaouss est parti. Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?
- Je, je ne sais pas, tu as sans doute raison.
- Tout ce qu’il nous reste, c’est ce ballon. Et notre seule chance de réintégrer la Team Rocket, c’est de capturer Pikachu !
- Mais Jessie, ça ne vire pas à l’obsession ?
- Quoi, qu’est-ce que tu dis ?!
- Euh…
- On va capturer Pikachu ! Le livrer à notre ancien boss et redorer notre blason ! Il nous ré embauchera tout de suite et nous serons riches et couverts de gloire ! Scanda Jessie en tendant ses bras ouverts devant elle, en plein délire.
- Ou alors ! Ou alors, on arrête tout, et on ouvre un petit salon de beauté pour Pokémons ! Je m’y vois déjà ! Je sais exactement quel type de brosse convient à quel type de pelage. Je pourrais réveiller la beau…
- JAMES ! ON N’A PAS D’ARGENT ! ON A RIEN PU MANGER DEPUIS 2 JOURS !
- Je sais, murmura James, vaincu, en tenant son ventre gargouillant à deux mains. Mais on a perdu la trace des morveux depuis Amarante. Et de toute façon, ils nous battent à chaque fois. C’est inutile… Pose-moi dans la forêt, laisse-moi. Je ne suis qu’un poids lourd pour toi... Je, je te confie ma collection de capsules de bouteille…
- Mais c'est pas possible ! James, ressaisis-toi ! Arrête de faire ta diva ! Nous n’abandonnerons pas ! Je ne t’abandonnerai pas ! Jamais ! Je ne suis pas une traître comme Miaouss !
- Oh Jessie, tu es incroyable ! Fit James, en prenant les mains de la femme dans les siennes, comme s’ils étaient dans une pièce de théâtre. Tu n’as pas pris une ride et tu es toujours aussi déterminée qu’à nos 20 ans !
- Oh James, tu penses vraiment ce que tu dis ? Répondit la femme aux yeux brillants.

Tous deux étaient certes un peu ridicules, il faut bien l’avouer, mais la vie n’avait pas était simple pour eux, bien loin de là. Et s’ils avaient effectivement tendance à tout dramatiser, cette fois-ci, ils n’étaient pas loin d’être pour, une fois, vraiment dans la misère. Sans travail, sans perspective d’avenir, sans rien à manger. Mais cela était sans compter sans doute leur bonne étoile qui ne les avait jamais vraiment abandonnés, toutes ses années durant.

- Jessie !!!! Regaaaaaarde ! Cria James d’une voix suraigüe qui n’avait rien de masculin. C’est pas la morveuse ? La première morveuse ! La chipie rousse regarde ! Avec Pikachu ?
- Quoi ?! Qu’est-ce que tu racontes, pousse-toi !

Jessie prit ses jumelles et regarda dans la direction indiquée par son coéquipier. Elle y aperçut effectivement Ondine avec Pikachu, marchant d’un pas déterminé dans le soleil couchant.

- James ! C’est notre jour de chance !
- Oh non pitié, je n’aime pas du tout quand tu commences tes phrases comme ça, répondit l’homme, dépité. Je sais ce que tu vas dire…
- On va descendre et lui voler Pikachu !
- Mais Jessie, on n’a plus aucun Pokémon pour se battre ! Et c’est notre dernier ballon ! S’ils le perce, nous sommes perdus !
- Mmmmm… Oui tu as raison. Nous allons les suivre de loin et voir où ils vont ! Et le moment opportun, nous frapperons et volerons Pikachu mouhahahaha !
- Jessie, tu me fais peur…
- James, tais-toi. Fais-moi confiance. Bientôt nous serons riches !
- Si tu le dis… Répondit James en soupirant.

L’ex Team Rocket suivit donc Ondine et Pikachu, de loin, en essayant de rester discrets, ce qu’il faut l’avouer, n’était pas habituellement pas leur fort. Mais ils s'en sortaient, pour une fois, plutôt bien.



Pendant ce temps, sur la terre ferme :

- Pikachu, on va s’arrêter et dormir là. Qu’est-ce que tu en dis ?
- Pika ! Répondit Pikachu pour approuver.
- Excellent, ça me plait bien ! Fit Sacha à son tour.

Bien que le jeune homme savait que personne ne pouvait lui répondre, il essayait de prendre part aux conversations, pour se sentir exister et ne pas lâcher prise. Ses moments de noirceur étaient de plus en plus nombreux et la peur de mourir lui nouait l’estomac.

Ondine alluma un petit feu dans une clairière qu’elle avait trouvée sur le bord de la route. Elle enleva ses chaussures pour masser ses pieds meurtris et étala son sac de couchage sur le sol. Elle avait l’impression de sortir une antiquité, mais les souvenirs que cette vision lui procurait la faisaient se sentir étrangement bien. Pour la première fois depuis le départ, elle se sentie un peu plus détendue. Son sandwich n’avait pas vraiment de goût, mais peu importe, il lui redonnait de l’énergie. Pikachu s’était déjà endormi à côté d’elle.

La nuit tomba relativement rapidement et la jeune fille décida de se coucher. Elle sentait le sol dans son dos, elle avait perdu l’habitude, et se roula sur le côté, Pikachu dans ses bras. Tenir Pikachu ainsi, lui donnait l’impression d’être plus près de Sacha. Etait-il vraiment là ?

- Sacha ? Murmura-t-elle, pour ne pas réveiller la petite souris électrique.

Sacha, qui s’était allongé en face d’elle, mal en point, ouvrit les yeux. Lui avait-elle parlé ?

- Sacha ?... Je sais que tu ne peux pas me répondre, mais je, j’y crois tu sais. Je crois vraiment que tu es là en face de moi. Tu n’as même pas idée comme j’aimerais pouvoir te voir et puis te parler aussi.

Sacha, ému, répondit inutilement :

- Moi aussi, j’aimerais tellement te parler, te remercier… J’espère que tu n’as pas trop peur de dormir toute seule ici. Merci de faire ça pour moi. Je savais que je pouvais te faire confiance.
- Tu sais, j’ai un peu peur de dormir seule à la belle étoile comme ça. Mais j’ai vraiment l’impression que tu es là à côté de moi, alors… ça me rassure… Je te promets que je vais te sortir de là, ajouta-elle, en fermant les yeux.

Sacha se releva un peu, son corps se mélangeait à la terre du sol. Il s’approcha un peu plus de la jeune femme, et s’agenouilla à côté d’elle.

- Ondine… Je, je t’aime, tu sais. Plus que tu ne pourrais l’imaginer. Mais je ne pourrais jamais te le dire. Je suis tellement désolé d’avoir eu autant de retard et de ne pas avoir compris plus tôt, d’avoir été aveuglé par mon rêve. Si j’avais été plus mature, j’aurais pu le réaliser, mais sans te blesser en retour. J’espère que tu seras heureuse avec Jude, il sera parfait pour toi. Tu ne mérites pas un type comme moi.

Il se pencha et embrassa doucement son front dont il aurait tellement souhaité sentir le contact.
Ondine frissonna, une sensation de chaleur venait de la traverser, douce et agréable.

- Sacha ? Je…
- Tu quoi ? Répondit le jeune homme, plein d’espoirs.
- Non rien, pfff, il faut que j’arrête de parler seule… Nous verrons ce que Morgane dit…

Sous le regard désespéré de Sacha, la jeune femme se retourna de l’autre côté et s’endormit.



Non loin de là, dans une clairière avoisinante, un gros ballon ressemblant à un Miaouss était posé. Il était tout crayonné de marqueur noir comme si quelqu'un avait voulu faire disparaitre la tête du chat.

- Jessie ? Jessie ! Réveille-toi ! C’est le moment parfait ! La nuit est tombée depuis quelques heures, elle a du s’endormir ! Jessie ?

La femme aux cheveux rouges était recroquevillée et dormait dans un coin de la nacelle, la mine heureuse, ronflotant légèrement.

Elle doit faire un joli rêve, se dit James. Je vais me faire tuer si je la réveille maintenant.

Il s’approcha doucement, souleva la tête de Jessie qu’il posa sur ses genoux. Elle ne broncha pas. Elle devait vraiment dormir profondément.  James caressa les longs cheveux soyeux de son amie. C’est clair qu’elle avait son caractère, mais c’est ce qu’il aimait chez elle. A chaque instant, il savait qu’il pouvait retourner  vivre dans sa famille aisée. Mais il aimait trop Jessie pour cela. Il avait besoin d’elle, et elle avait besoin de lui. C’était ainsi que les choses étaient faites et rien ne pourrait jamais changer cela. Sur cette pensée, il appuya sa nuque contre la nacelle et s’endormit ainsi.

Que ce soit pour lui, pour Jessie, Ondine, Sacha et Pikachu, demain serait une autre journée.
En attendant, il fallait se reposer et profiter de l’instant présent.