L'Alakazam qui ne voyait pas [Aventure/AAML] TERMINEE

Le campement de fortune ne fut pas très long à installer. Chacun des quatre amis déroula son sac de couchage et, malgré les nombreuses plaintes d’Ondine qui disait que cela n’allait qu’attirer plus d’insectes, Robin tenta d’allumer un feu. Ondine s’assit alors sur son sac de couchage, découragée. Pourtant, malgré toute sa bonne volonté, le mari de Morgane n’arrivait pas à grand-chose et Ondine finit par lancer un regard en coin insistant à Sacha, qui vint s’asseoir à côté d’elle.

- Ben quoi ? Pourquoi tu me fixes avec un regard de tueur comme ça ? Demanda-t-il.
- Tu crois pas que tu pourrais l’aider, soupira la jeune femme en faisant un petit mouvement de tête vers Robin.
- Mmm je veux bien, mais je vois pas trop comment. Moi non plus je ne sais pas faire du feu…

Mais devant l’insistance du regard blasé d’Ondine, Sacha se passa le bras derrière la tête d’un air gêné.

- Héhé… Dit-il, oui je n’y avais pas pensé...
- Et ça se dit Maitre Pokémon après, soupira Ondine.
- Oh je ne te perm…  Commença à répondre Sacha, vexé ; mais voyant le sourire doux qui c’était dessiné sur le visage d’Ondine, il ne termina pas sa phrase et lui sourit simplement en retour.

Le jeune homme détacha alors une Pokéball de sa ceinture et une seconde plus tard, son magnifique Arcanin se dressait dans la nuit noire. Surpris par ce grand Pokémon qui avait surgit de nul par dans son dos, Robin tomba à terre sur les fesses, faisant rire tout le monde. Arcanin utilisa son Lance-Flammes et bientôt un feu chaleureux crépita dans le bois que les amis avaient ramassé. Sacha rappela son Pokémon dans sa Pokéball tandis que Pikachu approchait ses pattes de la chaleur des flammes. Bien que les journées soient chaudes en cette période de l’année, les nuits restaient fraiches.

Après s’être abandonnés quelques instants dans la contemplation du feu, les trois amis commencèrent à grignoter des sandwichs qu’ils avaient dans leur sac. En effet, étant partis assez précipitamment de chez Cassandre, ils n’avaient pas eu le temps de manger et la faim commençait à les assaillir. Ils mangèrent donc dans une ambiance calme et tranquille, éclairés seulement par la lumière chaude du feu de camp.
Après quelques minutes, un pas discret mais assuré se fit entendre.
Morgane revenait de son tour de surveillance.

- Rien dans les environs, dit-elle en s’asseyant, jambes croisées, sur son sac de couchage. Personne ne viendra nous embêter.
- Tu es sûre hein ? Demanda timidement Ondine, tandis que Morgane commençait à manger.
- Oui, ne t’inquiète pas. Au pire, Sacha te défendra, lui répondit-elle, accompagnant ses paroles d’un clin d’œil entendu.

A cette remarque, Sacha rougit légèrement et fixa ses pieds, tandis qu’Ondine arrêta de se plaindre, ce qui était en fait bien sûr, pour Morgane, l’effet escompté.
Une nuit si belle, si douce, une brise légère sur son visage, du silence…
Morgane se sentait si bien. Trop bien pour être agacée par les remarques geignardes d’Ondine.
Des insectes qui allaient la dévorer… Mais voyons… Elle était bien gentille, mais il fallait qu’elle sorte un peu de son arène celle-là.

Tandis que l’intensité des flammes rouges et dorées commençait à diminuer, Robin proposa à tous d’organiser des tours de garde. En effet, que ce soit dans le cas où la Team Rocket revienne leur jouer un mauvais tour ou dans celui où les villageois décideraient que finalement Sacha était encore trop près d’eux, il valait mieux quelqu’un pour surveiller et protéger le campement.

- Tu n’as qu’à commencer, dit Morgane, je prendrai la relève dans deux heures.

Robin regarda sa femme un instant, fasciné par les lumières qui dansaient sur son visage, lui donnant un air mystérieux et irréel. Elle était terriblement belle.

- Ça t'embête ? Demanda Morgane, perturbée par cet œillade insistante.
- Pas du tout, c'est ce que je pensais faire de toute façon, vous êtes tous plus fatigués que moi, répondit-il.

Il s’éloigna donc de quelques mètres, pour prendre place plus loin. Dos au campement, il s’assit sur un rocher plat, contre un tronc d’arbre. Plus personne dans le campement ne pouvait l’apercevoir, mais faisant face au sentier en contrebas, il pourrait intercepter des visiteurs malvenus si la nécessité se présentait. Peu importe que son Dracolosse ne sache plus très bien se battre, sa seule vision suffisait en général à faire reculer les ennemis.

- Ondine, tu nous éteindrais le feu s’il te plait ? Demanda Morgane.
- Euh oui, bien sûr !

La jeune dresseuse s’exécuta et il ne fallut pas longtemps pour que le pistolet à eau de son Stari réduise le feu en cendre, permettant ainsi à la nuit noire d’inonder le campement de nos amis.

- Voila ! C’est fait ! Fit Ondine, en rappelant son Stari. Morgane ?

Après quelques secondes, le temps de s’acclimater à l’obscurité, la jeune femme s’aperçut que Morgane s’était déjà étendue sur le flanc dans son sac de couchage, celui-là même qu’elle avait remonté presque jusqu’au dessus de sa tête, ne laissant qu’un petit espace pour respirer.

Ondine, un peu perplexe, ne réitéra donc pas sa question et se dirigea vers ses affaires d’un air maussade. L’idée de dormir à terre dans cette forêt ne l’enchantait toujours pas, mais vu la tournure des évènements, elle n’avait pas franchement le choix.

Sacha aussi était déjà allongé dans son sac de couchage, à quelques mètres de celui d’Ondine, mais il semblait toujours éveillé. Les bras croisés sous la tête, Pikachu roulé en boule contre son torse, il avait l’air d’observer le ciel attentivement. Il ne souriait pas, mais ne semblait pas triste non plus. Il avait simplement l’air absent et perdu dans ses pensées.

Ondine pensa un instant à aller le rejoindre, mais elle se sentit bête.

Je ne vais pas aller le déranger, se dit-elle tristement…

La jeune femme prit alors à son tour place dans son vieux sac de couchage à bulles. Heureusement qu’elle n’avait pas trop grandi depuis toutes ses années, car celui-ci lui allait encore. Il était certes un peu court, mais pas au point qu’elle doive en racheter un autre. Et puis, elle l’utilisait si peu souvent. Il faut dire que dormir dehors comme cela…
Encore la dernière fois où elle l’avait fait seule pour aller à Safrania, ce n’était pas dans une forêt aussi dense que celle-ci.
Cette forêt… Et ces insectes… La jeune femme frissonna et essaya d’arrêter d’y penser.

Je me fais des films… Se dit-elle.

Ondine se tourna sur un côté puis se retourna sur l'autre plusieurs fois. Elle ne savait pas comment se mettre. Dans sa position actuelle, elle pouvait voir Sacha, assez loin d’elle, qui continuait sa contemplation méditative.

Sacha… Qu’est-ce que je vais bien pouvoir te dire, on n’a toujours pas parlé de ce que tu m’as dit… Se demanda la jeune femme.

Elle s’interrompit pour sortir de sa poche son téléphone portable.
C’était sûrement ça qui la gênait autant.
« Aucun nouveau message ».
Ondine soupira et décida d’écrire à Jude. Après tout, il était trop tard pour appeler.

«  Salut Jude ! Comment vas-tu ? J’espère que tout se passe bien à Azuria. Nous, on dort à la belle étoile. Abra ne s’est toujours pas manifesté. Je crois que s’il ne le fait pas demain, je rentrerai à l’arène. D’ailleurs en parlant de ça, j’aimerais te parler d’un petit quelque chose… J’ai réfléchi et en fait… »

Ondine s’arrêta et relu ce qu’elle avait écrit. C’était d’un froid… Et puis qu’est-ce qu’elle allait lui dire ? Elle ne pouvait pas commencer à lui en parler alors qu’ils n’étaient pas face à face.

Exaspérée, elle supprima son message inachevé et posa son téléphone à côté de son sac de couchage. Son regard retomba sur Sacha, imperturbable.

A quoi tu penses ? Se demanda-t-elle.

A cet Alakazam sûrement. Et à Cassandre. Ne t’en fais pas, je suis sûre qu’elle et sa famille ne risquent rien. A tes Pokémons aussi. Ils sont tous en excellente forme, tu as fait un super travail…
Dis Sacha…
Est-ce que tu penses aussi à moi ?

Comme s’il l’avait entendu, Sacha se retourna dans sa direction, mais ses yeux étaient clos. Il s’était sûrement endormi.

Il ne m'a même pas souhaité bonne nuit... Se dit Ondine, un peu vexée.

La jeune femme changea alors brusquement de côté, pour ne plus avoir le dresseur au Pikachu dans son champs de vision, et se retrouva nez avec nez avec un tout mignon Aspicot. Elle faillit hurler, mais réussit à se retenir en plaquant ses deux mains sur sa bouche. Le petit Pokémon vint se frotter contre ses doigts quelques secondes et repartit joyeusement en reniflant différentes senteurs sur son passage.

Les larmes aux yeux, Ondine se surprit à penser qu’à cet instant, ça ne la dérangerait pas que Psykokwak ressorte de son sac pour lui tenir compagnie, mais celui-ci restait tragiquement immobile.

Je suis vraiment une gamine… Se dit Ondine.

Elle n’eut pas le temps de s’apitoyer davantage sur son sort qu’elle vit bientôt son Aspicot préféré revenir avec quelques amis. Ceux-ci restaient relativement loin d'elle, mais Ondine pouvait distinguer le moindre de leur balancement. Horrifiée, elle se mit sur le dos.

Bon sang… Je vais craquer… Je vais craquer… Se disait-elle. Comment font-ils, tous, pour dormir aussi tranquillement ?!

Un Aspicot du groupe s’était silencieusement dirigé vers Sacha, puis le jugeant inintéressant, s’était réorienté vers Morgane contre laquelle il s’était attardé quelques instants avant de repartir vers les siens. Morgane n’avait pas bronché. Elle dormait toujours, comme si rien ne s'était passé.

Comment fait-elle ? Se demanda Ondine. Je vais mourir d’une crise cardiaque, c’est pas possible !

La jeune femme entreprit de calmer sa respiration et regarda le ciel. Les étoiles étaient vraiment magnifiques. Mais Ondine ne parvint pas à ce concentrer sur la sublime voute céleste qui la surplombait et son regard glissa vers une branche d'arbre un peu en retrait sur sa gauche. Un Mimigal pendu à son fil la fixait d’un air féroce et dégoutant, il allait lui sauter dessus c’est sûr… Puis il tisserait une toile autour d'elle, en en serait prisonnière et...

- Ondine ? Ca va ? Chuchota soudain une voix à ses côtés.

Ondine tourna son visage pâle comme un linge vers Sacha, accroupi d’elle, qui baillait à s’en décrocher la mâchoire.

- Je t’entends tourner et bouger depuis tout à l’heure… Marmonna le jeune homme.
- Ah euh... Non, non tout va bien… Répondit Ondine, en reniflant bruyamment ce qui la décrédibilisait bien sûr complètement.
- Mouais… Répondit Sacha, qui accompagna sa remarque d’un regard qui signifiait qu’il n’était pas dupe. Tu...  Veux que je reste avec toi ?

Surprise par cette proposition attentionnée, Ondine, qui ne parvenait pas à passer outre sa fierté, hésita.

- Non, non, ça va aller… Je t’assure… Répondit-elle en s’essuyant les yeux.

Sacha se releva en levant les épaules d’un air vaincu et s’éloigna en direction de son sac de couchage sous les yeux d'Ondine qui regrettait déjà ce qu'elle venait de dire.
Pourtant, le jeune dresseur revint seulement quelques secondes plus tard, avec le-dit objet sur l’épaule, son sac à dos et Pikachu dans les bras.

- Tu me fais de la place ? Chuchota-t-il.

Devant le regard affolé d’Ondine, il ajouta, perplexe :

- Non mais ça va… Je vais pas te sauter dessus, c’est juste pour te tenir compagnie. Si t’es pas contente, je retourne là-bas, ajouta-t-il en indiquant d'un signe de tête le coin où il regardait des étoiles.

Ondine ne répondit pas, mais poussa toutes ses affaires pour que Sacha puisse mettre son sac de couchage à côté du sien. Le jeune homme s’allongea tranquillement en reposant délicatement Pikachu, qui ne s’était pas réveillé, à ses côtés.

Malgré ses grands airs bourrus et fiers, il est vraiment gentil, se surprit à penser Ondine. Il a deviné ce que je pensais vraiment...

- N'empêche, tu as vu comme ces étoiles sont belles Ondine ? On a rarement l’occasion d’en voir autant d’un coup, fit Sacha à voix basse, en replongeant son regard dans le ciel.

Le jeune homme adorait les étoiles et à force de dormir dehors, comme il l'avait fait de nombreuses fois durant ses voyages, il parvenait à les différencier de plus en plus. Ces lumières qui brillaient de mille feux tout là-haut, elles lui faisaient penser à tellement de choses... Aux flashs des photographes le jour où il était devenu Maitre Pokémon, à ce mélange de vide et d’accomplissement qu’il avait ressenti quand il avait décroché son titre. Elles lui rappelaient aussi les lumières qui dansaient dans sa vision floue après l’attaque de l’Alakazam, et les grands yeux d’Ondine qui le fixaient après qu'il lui ait avoué qu’il l’aimait.

D'ailleurs, il aurait peut-être mieux fait de se taire, mais même si elle n’avait pas répondu à ses sentiments, il se sentait quand même libéré d’un poids qui pesait sur sa conscience. En effet, maintenant qu’il lui avait tout dit, même si ces étoiles lui faisaient se remémorer tant de choses, il pouvait enfin les regarder sans penser à rien, juste à leur beauté et à la douceur d’une nuit à l'extérieur.

- Tu as raison, ce ciel est hypnotisant. J’ai rarement l’occasion d’en voir un si beau à Azuria.
- Mmm... C’est normal, on les voit toujours moins en ville...
- Sacha ? Fit timidement Ondine.
- Mmm ?
- Je vais quitter Jude tu sais.

Surpris, Sacha abandonna sa contemplation et se tourna vers son amie.

- Pourquoi ? Fit-il simplement, tentant de ralentir son cœur dont le battement s’était brusquement accéléré.
- Je ne l’aime pas, enfin je crois… Enfin… C’est plutôt ma vie que je n’aime pas… Ce que je suis en train de faire, tu vois...

Tandis qu’Ondine cherchait laborieusement ses mots, Sacha se retenait de se rapprocher un peu plus d’elle. Mais pour une fois que la jeune femme essayait de s’exprimer sur ce qu’elle ressentait…

- Je sais que j’ai choisi la voix de facilité, murmura Ondine, d’un ton fataliste. Un mari, une maison, un travail à l’arène sans surprise… Mais ce n’est pas moi… Moi je… Quand tu es parti, j’ai cru qu’on ne se reverrait jamais… Je…

Incapable de rester de marbre, Sacha ne la laissa pas finir sa phrase et la prit dans ses bras. Pour la première fois depuis leurs retrouvailles, dans le monde de l’Alakazam fou, Ondine lui rendit son étreinte.

Tous les deux allongés sous le ciel étoilé, dans les bras l’un de l’autre, aucun ne prononçait mot de peur de briser cet instant magique où ils avaient enfin réussi à s’apprivoiser. Finalement Sacha, certes ému, mais aussi gêné comme jamais, rompit le silence nerveusement.

- Hey… Ça va aller, t’inquiètes pas… Fit-il en caressant timidement les cheveux d’Ondine qui semblait paralysée dans ses bras. Ondine ?
- Je t’aimais vraiment tu sais… Dit-elle, la voix chevrotante.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Quand on voyageait ensemble… J'étais vraiment amoureuse de toi.
- Ah… Fit Sacha, soulagé, qui ne comprenait pas pourquoi elle avait parlé au passé. Oui je sais maintenant, je suis désolé… A l'époque, je n’ai rien vu…

Sacha pouvait entendre le bruit de la respiration de son amie contre son torse.

Je rêve… Je me suis endormi en regardant le ciel et je rêve, se dit-il…

- Tu étais tellement obsédé par les Pokémons…
- Alors attention, parce que je suis toujours obsédé par les Pokémons ! Répondit Sacha sur le ton de la plaisanterie.

Quoi ?! Mais tu t’entends ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Se dit le jeune homme, paniqué. Je dis vraiment n’importe quoi… Sacha, reprends-toi… Tu n’auras peut-être pas de seconde chance.

Le dresseur lança un regard vers son Pikachu qui ronflotait paisiblement.

Même lui ne peux pas m’aider là, se dit-il, l’angoisse grandissant dans son ventre.

Mais perdu dans ses pensées, Sacha n’avait même pas remarqué qu’Ondine avait ri à sa remarque.

- Je n’en doute pas, fit-elle en souriant. Mais il y a assez de place pour moi ?
- Hein ? S'exclama Sacha qui revenait à la réalité, le souffle court.
- En plus des Pokémons, il y a de la place pour moi ? Lui répéta Ondine, en relevant la tête, plongeant ses grands yeux clairs dans les siens.

Trop troublé, Sacha ne réussit pas à maintenir le contact visuel avec la jeune femme et la serra davantage contre lui, tandis que celle-ci enfouissait sa tête dans le creux de son épaule.  

- Bien sûr, murmura-t-il d’une voix chaude. Je ferai tout pour toi Ondine… Tu le sais en plus… Ajouta-t-il, sa voix se brisant dans ses derniers mots. Dis Ondine, est-ce que ça veut dire que... ?
- Oui, le coupa la jeune femme d’une voix mystérieuse.
- Oui, quoi ? Laisse-moi finir ma phrase, répondit Sacha, penaud.
- Oui, je t’aime encore, murmura Ondine en embrassant la joue du jeune dresseur. C’est ça que tu voulais savoir non ?

Le contact des lèvres douces d’Ondine sur sa joue troubla Sacha qui ne put qu’acquiescer. Un frisson brûlant avait traversé tout son corps. Il en avait la chair de poule. C’était la première fois de sa vie qu’il ressentait cela. L’esprit embué, il posa un doigt sous le menton d’Ondine et ramena son visage au niveau du sien, plaquant son front sur celui de la jolie rousse. Ils restèrent ainsi un instant, les regards mélangés et les doigts inconsciemment entrelacés.

Sacha n’avait qu’une envie et approcha son visage un peu plus près encore.
Il ne savait pas s’il pouvait aller plus loin, après tout, Ondine était fiancée… Mais il en mourrait d’envie et le corps de son amie blotti contre le sien ne faisait qu’attiser ses ardeurs.

Heureusement pour lui, Ondine lui évita de trop se torturer en posant délicatement un doigt sur la bouche du jeune homme.

- Je suis désolée… Je préfère quitter Jude d’abord… Souffla-t-elle à contre cœur.
- Je comprends, lui sourit Sacha en l’embrassant sur le front. Je n’en attendais pas moins de toi…
- C’est vrai, tu ne m’en veux pas ?
- Pas du tout ! De toute façon, j’aurais eu du mal à t’embrasser avec ce Chenipan sur ton épaule.

Ondine poussa un petit cri et se releva à moitié, paniquée, tapant comme une folle sur ses épaules, tandis que Sacha tentait de retrouver ses esprits et un rythme cardiaque normal.

- Il est où ? Il est où ?! Il est parti ?

Quand elle vit Sacha qui pouffait de rire et qu’elle comprit que ce n’était qu’une mauvaise plaisanterie, la jeune femme soupira lourdement.

- Pfff… T’es pas drôle…
- Ah je crois que si ! Tu aurais du voir ta tête, lui répondit Sacha tout sourire.

Ondine lui rendit son sourire et tandis que Sacha se mettait sur le dos pour contempler à nouveau le ciel, elle posa sa tête contre son torse et s’endormit rapidement, la main posée sur celle du jeune homme.

Sacha détourna ses yeux de la voûte étoilée et attarda son regard sur son amie. Ses cheveux, ses yeux, sa bouche...
Il l’embrassa tendrement sur le front, prit sa main dans la sienne et s’endormit à son tour en se disant que c’était sûrement le plus beau jour de sa vie.

Quelques minutes seulement après que les deux amis se soient endormis dans les bras l’un de l’autre, une sonnerie à peine perceptible retentit près du sac de couchage de Morgane qui se leva et s’étira longuement. Elle avait bien dormi et allait pouvoir prendre la relève auprès de son époux qui devait être exténué. Néanmoins, un sentiment étrange agitait la championne. Non pas un sentiment désagréable, plutôt une impression d’ordre et de continuité. Intriguée, Morgane balaya de ses yeux vifs les alentours et son regard finit, bien entendu, par tomber sur Ondine et Sacha, qui dormaient enlacés. Morgane sourit.

Ah ben ce n’est pas trop tôt, se dit-elle.

Cette vision la rendait certes heureuse, mais aussi un peu mélancolique.
La femme aux longs cheveux les repoussa dans son dos et haussa les épaules. Parfois, il ne faut pas chercher comprendre ce que l’on ressent.

Quand elle arriva là où Robin faisait le guet, elle vit que celui-ci commençait à piquer du nez dangereusement.

- Il serait peut-être temps de prendre une pause non ? Fit-elle à son mari en s’asseyant à ses côtés sur le grand rocher plat.
- Mmmm… Ah, tu es là… J’ai cru que j’allais m’endormir… Marmonna Robin. Bon et bien je retourne au campement… Ajouta-t-il en baillant.
- Non, reste avec moi, lui fit Morgane en souriant.

Ondine et Sacha avait l’air si bien, ce serait cruel de perturber une si belle harmonie se dit-elle.

Ah voilà, « harmonie », c’est le mot qu’elle cherchait. Morgane était une femme qui aimait les choses qui allaient de soi, qui étaient harmonieuses. La perfection ne l’intéressait pas. Elle aimait les surprises, les défauts, l’imprévisible. Mais elle aimait surtout que tout cela s’agence dans une harmonie générale, que tout cela aille dans une même direction. Elle aimait la sérénité, mais non l’ennui.

Que je suis compliquée… Se dit-elle en soupirant, même moi parfois, j’ai du mal à me comprendre.

- Morgane ? Tu n’écoutes pas ce que je dis…
- Ah pardon… Excuse-moi, je réfléchissais…
- Tu réfléchis trop.
- Oui, je sais bien, c’est là tout le problème, dit-elle en riant à Robin. Parfois, j’aimerais me mettre sur pause.
- Ne dis pas ça, tu sais que c’est comme ça que je t’aime, lui répondit Robin en l’embrassant tendrement.
- Alors tu restes avec moi ?
- Je suppose que tu ne me diras pas pourquoi tu veux que je reste...
- Non...
- Qu’est-ce qui m’a pris de tomber amoureux d’une femme pareille !
- Ah ça… Ce n’est pas moi qui vais te répondre, répondit Morgane d’un air espiègle.

Robin ne posa pas davantage de question, de toute façon, il tombait de fatigue. Après avoir recouvert son épouse et lui-même de la couverture qu'il avait utilisé pour monter la garde, il s'allongea et appuya sa tête sur les genoux de sa femme. Le rocher était relativement inconfortable, mais le sommeil l’emporta et il s’endormit rapidement.

- Quelles magnifiques étoiles, murmura Morgane dans la nuit, appuyée contre l’arbre. Peut-être que si je les fixe assez longtemps, je ne penserai plus à rien. Voila, ne plus penser à rien...