CHAPITRE 2
Sur le quai de la gare, j'attends mon meilleur ami. Cela fait au moins six mois que nous ne nous sommes pas vu lui et moi. Nos contacts en visioconférence ou par écrit ne me suffisent pas.
J'ai tant besoin de lui dans ma vie, il est un frère pour moi et son absence me pèse vite.
Le fait de vivre seule dans une immense demeure et d'avoir très peu d'amis joue sans doute un rôle dans cela mais qu'importe, les choses sont ainsi.
Le panneau d'affichage m'indique que son train va bientôt entrer en gare et je ressens une immense excitation à la perspective de l'avoir rien qu'à moi pour tout un mois à venir. Il a décidé de passer la totalité de ses vacances en ma compagnie, et je n'aurai pu rêver mieux.
Je crois, sans prétention, représenter la même choses à ses yeux qu'il représente aux miens D'ailleurs, notre relation fraternelle échappe à certaines personnes mais je le conçois, donc je ne relève jamais les remarques qui sont faites à ce sujet.
Je trépigne d'impatience et execute des petits pas sur place, donnant l'impression aux gens autour de moi que j'ai une furieuse envie d'uriner.
Ca ne va pas être génial si des poképaparazzis traînent dans le coin.
C'est en imaginant le titre du
Poképeople du lendemain, « La championne d'Azuria refusant d'emprunter les toilettes publiques de la gare. Est-elle devenue snobe ?! » que je ricane toute seule, les yeux perdus dans le vide, ignorant superbement les passants autour de moi.
Un bruit de pression au loin attire mon attention, l'arrachant à mes pensées amusantes.Sourire aux lèvres, j'apperçois son train arriver en gare, plus très loin.
Plus que quelques secondes nous séparent encore !
Sa présence a le don de faire revivre la petite fille en moi que j'ai été un jour, et qui dort quelque part derrière cette façade de championne.
J'aime cette petite fille insouciante, amusée, et pleine de tempérament, que j'ai été à l'époque où je parcourais le pays à pied. Elle avait ralé de ses douleurs aux pieds à force de marcher. Elle avait été émerveillée de découvrir tant de choses, tant d'endroits, tant de gens et de Pokemon différents ! Elle avait beaucoup ri, eu de fantastiques amis, et vécu plein de frayeurs aussi ! Sur les chemins, avec Pierre et... Sacha.
Ouh ! Je frissonne. La simple évocation de ce prénom, même en pensée, me faisait un drôle d'effet.
Pour sûre ! Cette période de ma vie avait été sans aucun doute, et même en comparaison de cette prestigieuse vie de championne, la meilleure époque de ma vie !
Mais voilà, je ne laisse jamais cette petite fille -que j'adore!- refaire surface. Elle est reliée à des souvenirs et des sentiments bien trop douloureux, que je n'assume plus d'éprouver.
Avec lui c'est différent. Avec mon ami, qui est intrasèquement lié à cette petite fille et à cette époque - puisque que ce fut celle à laquelle nous nous sommes connus- je peux la laisser réapparaître. Il calme ses angoisses, ne laissant transparaîtres que ses bons souvenirs, et dissipant les zones sombres.
C'est aussi pour ça que j'ai tellement besoin de sa présence, peut-être. Cette petite fille a envie de refaire surface quelques fois, mais je me le refuse systématiquement si je suis seule.
Un appel d'air faisant voler mes cheveux longs et lachés, un bruit de crissement sur les rails et une annonce dans les hauts parleurs plus tard, les portes du transport s'ouvrent enfin ! Je guette impatiemment les passagers qui en descendent, scrutant chacun d'eux avec indécence. Puis un peu plus loin, sortant de l'embrasement d'une petite porte, je reconnais avant même de le reconnaître lui, son sweet kaki qu'il adore porter. Son visage apparaît et alors, ne contenant plus mon empressement, je cours jusqu'à lui :
« Pierre ! »
Je me jette dans ses bras et il lâche brusquement son sac à bagage au sol pour me récéptionner et me faire tournoyer.
« Ondine ! Je suis content ! Ca fait tellement de bien de te voir ! » souffla-t-il, le nez enfoui dans mes cheveux.
« Je suis d'accord ! Ca fait si longtemps. On va passer un mois genial ! » m'enthousiasmais-je en reculant pour le tenir à bout de bras et le regarder droit dans les yeux, tout sourire.
Il me le rend, flamboyant ! Manifestement, il éprouve le même plaisir que moi à nos retrouvailles physiques et à la perspective de ses vacances en compagnie l'un de l'autre. Ma maison allait me sembler tellement moins vide ! Une habitation prévue pour six personnes, n'en habritant qu'une, ça fait beaucoup d'espace inutilisé et beaucoup trop de silence.
« Tu as raison ma belle. Qui plus est, j'ai une nouvelle à t'apprendre ! »
Arf il ne faut pas me dire ce genre de choses ! Ca y est, l'enfant refait surface, et la curiosité prend le pas sur la raison :
« Qu'est-ce que c'est ? » m'émoustillais-je en tirant sur ses manches et en sautillant sur place, devant tous les passagers autour de nous.
_ Rentrons chez toi si tu veux bien, rit-il devant ma trépignance, on en parlera là bas, c'est assez important. Je ne souhaite pas trop en parler sur un quai de gare.
_ D'accord ! Ne traînons pas alors !
Joignant le geste à mon impatience, j'attrape son sac à bagage que je passe par dessus mon épaule et commence à filer en direction de la sortie.
Je l'entends s'esclaffer puis, me rejoignant en deux grandes enjambées, il reprend son sac de sur mes épaules et me suit jusqu'au parking ou ma voiture nous attend.
Mon enthousiasme se ressent vivement sur ma conduite, ce que ne manque pas de me faire remarquer mon ami, qui s'accroche à la poignée durant notre trajet jusqu'à chez moi.
C'est ainsi que nous arrivons devant la grande demeure dix minutes plus tard au lieu de vingt.
Et c'est toujours dans cette même précipitation que je me gare, ouvre la maison et l'accueille à l'intérieur.
« Donne moi tes bagages je vais les monter à l'étage. Je t'ai préparé la chambre. » lui dis-je dans l'espoir d'abréger l'installation afin de connaître cette fameuse nouvelle au plus vite.
Il me connait bien et reconnaît ma ruse. Je pense que c'est pour abréger mes souffrances, et aussi par politesse, qu'il me dit :
« Mais non laisse Ondine ! Je connais les lieux je le ferai moi-même. »
_ D'accord comme tu veux. Dans ce cas suis-moi à la cuisine, nous allons boire un bon café chaud. Par cette fraîcheur ça nous fera du bien, lui répondis-je en le prenant par la main pour l'emmener à ma suite.
Nous nous installons après que je nous ai préparé un délicieux breuvage corcé, puis je le regarde fixement, presque avec impolitesse, en attendant qu'il se décide à parler.
Il prend un malin plaisir à rester silencieux pendant quelques minutes, un coquin rictus au coin des lèvres, témoignant de l'amusement qu'il éprouve à me faire languir ainsi.
« Allez Pierre s'il te plait ! » finis-je par craquer de ma voix enfantine et suppliante.
Il éclate de rire et cède enfin :
« Bon d'accord ! Je vais tout te dire sinon je sens que tu vas exploser sous la pression. »
Aucun doute qu'il s'amuse beaucoup de mes petits défauts.
« Alors voilà Ondine, j'ai quitté mon poste de Champion à l'arène d'Argenta. »
Alors là ! Je m'attendais à tout sauf à ça. Je suis stupéfaite par la nouvelle. En témoigne certainement ma bouche ouverte béatement.
Je me reprends pour m'intéresser d'avantages à la situation :
« Vraiment ? Comment ça se fait ? Quelqu'un la reprend ? » m'enquis-je.
« Et bien écoute, mon père voulait depuis longtemps avoir l'occasion de se racheter une conduite auprès de mes frères et sœurs. Quand je lui ai parlé de quitter mon poste, il s'est donc proposé. Du coup c'est lui qui reprend le flambeau. »
_ C'est vraiment une belle opportunité pour ton père ! Mais comment se fait-il que tu aies décidé de quitter ton titre ?
_ Pour me lancer dans un autre projet. Il y a un poste d'assistant éleveur qui s'est libéré depuis peu. Je guettais un de ces postes depuis longtemps, en fait.
_ Je sais bien. Et à mon avis, ton nom a dû à lui seul faire foi sur ton CV ! Lui dis-je, fière de lui.
Lui aussi avait réalisé un beau parcours en tant que champion d'arène et avait une belle réputation de dresseur.
_ Je n'aime pas me vanter, mais il est vrai que ça a aidé à conccurencer avec les autres postulants.
_ Donc, c'est à ce poste que tu reprends ton activité dans un mois, c'est ça ?
_ Oui exact. Désolée je ne t'avais rien dit avant, j 'attendais d'avoir la certitude d'avoir le poste et surtout, je voulais te le dire de vive voix, car avec cette nouvelle j'ai un grand service à te demander que je ne voulais pas demander par visiophone.
Ses paroles m'intriguent :
« Ah oui? Et bien tout ce que tu veux Pierre, tu le sais bien. De quoi tu as besoin ? »
_ Tu es adorable mais, attends de savoir avant d'accepter. Je ne veux pas te déranger.
_ De quoi parles-tu ? Je m'impatiente encore.
_ Bon bah voilà, ce service consisterait à ce que tu m'héberge chez toi le temps que je trouve un endroit où vivre. Trouver un endroit où vivre à Azuria, c'est compliqué, ponctue-t-il avec un sourire enigmatique.
Aussitôt, un grand sourire s'affiche sur mon visage à moi. Je le regarde, toute pétillante et saute de joie :
« Tu vas vivre ici à Azuria, c'est vrai ?! » je m'exclame.
Il sourit ddevant mon excitation et confirme ma supposition d'un hochement de tête affirmatif.
« C'est génial !»
Je me lève de ma place pour l'enlacer une fois de plus. Je suis si ravie de savoir que je ne vais pas vivre seule durant plusieurs semaines, et qui plus est, avec Pierre !
Nous abrégeons notre pause café pour aller installer ses affaires, après que j'ai accepté de vive voix sa demande à son service, bien évidemment...
Les semaines à venir s'annonçent exaltantes. Je me demande à quel point elles vont l'être...